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avant l’amour

— Je ne me pardonnerai jamais ces larmes… La vie est cruelle, décevante et torturante… Pauvre Marianne ! J’ai tué une illusion dans votre cœur…

— Ah ! si vous aviez voulu…

— Je ne peux pas, dit-il avec tristesse.

Je pressais ma tête dans mes mains… La nuit était obscure, tiède, douce à ma première douleur. Les feuilles rousses tombaient en silence, et le décor où se dénouait le court roman de notre tendresse, le décor des hautes maisons, des dômes pâles, du ciel sans lune, n’avait point changé. Et il me semblait que dix années pesaient sur moi, dix années vécues en quelques minutes. Tout en moi était aride, froid, désolé, mort…

Une main toucha mon épaule. Ma marraine rompait le tête-à-tête. Je dus me ressaisir, parler, servir les gâteaux et les boissons fraîches, sous les yeux anxieux de mes parents, les yeux méfiants des Laforest, les yeux troublés de Rambert… J’avais perdu la notion du temps et du lieu… J’agissais mécanique-