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Le repas achevé, Brizeux allait s’asseoir dans le fauteuil de l’âtre ; on plaçait un verre de vin blanc près de lui, et les histoires commençaient, les bonnes histoires qu’il racontait à la gloire du pays de Bretagne, en bourrant et en débourrant sa petite pipe de terre, éteinte presque aussitôt qu’allumée[1]. Car c’était sa manière à lui de fumer ; et, le lendemain matin, autour de son fauteuil, Annaïk — je l’ai vue fumer comme un homme ; elle fumait peut-être déjà du temps de Brizeux — Annaïk faisait, pour elle ou pour d’autres, une ample récolte de ce tabac de poète… Le verre, lui, je suppose, devait rester plus d’à moitié plein ; cela devait être aussi sa façon de boire[2], à ce grand écouteur et à ce grand bavard, pour qui la pipe et le vin blanc étaient plutôt comme les prétextes à prolonger la causerie des veillées.

J’imagine, pourtant, qu’il ne parlait pas autant

  1. « Je fume avec Jakez et Berthel. » (Note de Brizeux.)
  2. Quand Brizeux se présenta à l’Académie, un des Quarante aurait objecté, dit-on : « Nous avons déjà Alfred de Musset ; cela suffit. » M. Lacaussade proteste vivement contre cette accusation d’intempérance portée contre Brizeux. À Scaër, la même protestation est unanime. « A la fin de sa vie, m’a dit M. Lacaussade, Brizeux souffrait d’une soif ardente causée par la fièvre qui ne le quittait guère. La phtisie dont il est mort était compliquée de diabète. »