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II. LUCAS AU TEMPLE DU CERISIER

lait ce souvenir, et pour cela, je change souvent de banc et de place. Sous ces ombrages qui me connaissent, je réussis du moins à me distraire. »

Et je me rappelais ces vers des Dernières Poésies :

Le Temps reprit : Crains-tu de mourir, ô poète,
Toi qui penches ton front sur ton bras affaibli.
 — Ô Temps lui répondis-je en relevant la téte,
Je ne crains pas la mort, je ne crains que l’oubli !

L’oubli, qui peut le défier longtemps, même parmi ceux dont la renommée est bien vivante ! Heureux encore les poètes dont le souvenir se réveille ainsi pour quelques amis, et dont la pieté d’un fils entretient le culte avec amour.


Hippolyte Lucas est mort depuis un demi-siècle et, par cette fin de jour d’automne, nous l’évoquions avec sympathie dans cette maison où il a vécu. Son fils nous lisait quelques-uns de ses vers et je l’écoutais, dans la douceur de la nuit qui venait, réveillant, à vingt ans de distance, tant de souvenirs de mes vingt ans.

Mes vingt ans, qui coururent par les mêmes rues qu’Hippolyte Lucas, sous les mêmes arbres, à travers les mêmes fleurs, dans ce pays de Rennes ! Mes vingt ans, qui chantèrent les