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BRETONS DE LETTRES

dit en mémoire du « petit Jésus. » J’en arrivais à chercher une croix sur les murs ou quelque gravure pieuse, et rien de semblable ne m’apparaissait. Le compositeur Émile Pessard se mit au piano et ce qu’il joua n’avait, hélas ! aucun rapport avec un de ces chers Noëls que j’aurais voulu entendre. Je ne disais rien et je me plongeais de plus en plus dans la tristesse de mes pensées. Aussi, quand j’entendis qu’on se mettrait à table à minuit, cela me sembla comme une profanation. Je comprenais ces réveillons au retour de la messe, mais ce souper, à minuit, me semblait sans excuse.

J’en sais qui vont rire : je ne riais pas, moi. et ma peine était bien sincère. Quelques-uns, qui furent élevés comme moi, me comprendront… peut-être ; aujourd’hui, j’ai peine à me comprendre, tant la vie a émoussé en moi ces délicatesses, mais je les goûte avec ravissement par le souvenir.

Quand on passa dans la salle à manger, j’allais me cacher dans le cabinet de travail ; je fondis en larmes. On s’inquiétait de mon absence ; on finit par me découvrir, et le maître de la maison, ne pouvant rien comprendre à une telle douleur, — je suffoquais ! — dont je persistais à taire les causes, voulut bien détacher vers moi une de ses plus jolies invi-