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qui avaient combattu à Leuctres, les Athéniens, considérant que les Péloponnésiens prétendaient encore à la prééminence, et que Lacédémone n’était pas dans l’état où elle avait réduit Athènes, mandèrent les députés des villes qui voudraient participer à la paix dont le roi de Perse leur avait envoyé les articles. On s’assemble ; on arrête, avec ceux qui acceptaient l’association, que l’on prêtera ce serment : « Je jure soumission au traité que nous envoie le grand roi, et aux décrets des Athéniens et des alliés, et je combattrai de tout mon pouvoir quiconque attaquerait les villes assermentées. » Tous approuvèrent le serment : les Éléens seuls prétendirent qu’il ne fallait accorder l’autonomie ni à Margane, ni à Scillonte, ni aux villes de la Triphilie, toutes de leur dépendance. Les Athéniens et autres, après avoir décrété, conformément aux patentes du roi, l’autonomie des grandes et des petites villes indistinctement, envoyèrent des commissaires avec ordre de faire prêter serment aux principaux magistrats de chaque ville : tous le prétèrent à l’exception des Éléens.

En vertu de ce traité, qui accordait aux Mantinéens une parfaite autonomie, ces derniers se rassemblèrent tous et décrétérent que l’on rétablirait et fortifierait Mantinée. Les Lacédémoniens, jugeant cette entreprise funeste, si elle se consommait sans leur assentiment, députèrent Agésilas, leur ami de père en fils. Il leur promet, s’ils diffèrent leurs fortifications, d’obtenir qu’elles se fassent avec le consentement de Lacédémone, et sans grande dépense. Sur la réponse qu’on ne pouvait différer, d’après un arrêté pris en commun, Agésilas se retira irrité ; mais il crut impossible de faire la guerre à un peuple à qui la paix assurait son indépendance. Cependant quelques villes d’Arcadie envoyèrent travailler aux fortifications, et les Éléens contribuèrent de trois talens à la reconstruction des murs.

Tandis que les Mantinéens s’en occupaient sans relâche, la faction Callibius et Proxène travaillait dans Tégée à la formation d’une diète générale, où l’avis qui dominerait ferait loi pour toute l’Arcadie ; au lieu que la faction stasippe voulait qu’on restat dans ses murs en conservant les lois du pays. Mais la première, qui avait eu le dessous au théâtre, croyant devenir supérieure en nombre si le peuple s’assemblait, prit les armes. À cette vue, les partisans de Stasippe s’armèrent de leur côté et se trouvèrent égaux en nombre. On en vint aux mains : Proxène fut tué avec quelques autres ; le reste, mis en déroute, ne fut pas poursuivi, car Stasippe n’était pas d’humeur à répandre le sang de ses concitoyens.

Callibus, retiré sous la protection d’une forteresse voisine de Mantinée, s’aperçut que ses adversaires ne faisaient aucune tentative. Il se tint donc en repos avec ses forces rassemblées, en attendant les secours que depuis long-temps il avait envoyé demander à Mantinée, et fit des propositions de paix à la faction stasippe : mais à l’approche des Mantinéens, ses soldats escaladant les murs, les pressèrent d’accourir en diligence, et leur crièrent de se hâter ; d’autres leur ouvrirent les portes. Les partisans de Stasippe, voyant ce qui se passait, se sauvèrent par les portes qui conduisaient à Pallance, et arrivérent au temple d’Artémis avant que d’être atteints par l’ennemi : ils s’y enfermèrent, et se tinrent dans l’inaction. Mais l’ennemi qui les poursuivait, monte sur les toits, qu’il découvre, et lance des tuiles. Réduits aux dernières extrémités, ils prient les assaillans de suspendre leurs coups, et promettent de sortir. Dès que l’on fut maître de leurs personnes, on les enchaîna, on les chargea sur un chariot, on les conduisit à Tégée, où, de concert avec les Mantinéens, on prononça contre eux la peine de mort.

Après l’exécution, huit cents Tégéates de la faction stasippe se réfugièrent à Sparte. Fidèles à leur serment, les Lacédémoniens décrètent qu’on vengera au plus tôt les Tégéates morts ou bannis, et qu’on marchera contre les Mantinéens qui, au mépris des traités, ont fondu armés sur les Tégéates. Les éphores ordonnent une levée : Agésilas est chargé du commandement.

Les Arcadiens se réunirent à Asée ; mais comme les Orchoméniens se refusaient à cette confédération à cause de leur haine contre Mantinée, et que d’ailleurs ils avaient reçu, dans leur ville, les troupes étrangères qui s’étaient réfugiées à Corinthe sous le commandement de Polytrope, les Mantinéens gardérent leurs foyers ; Les Héréens et les Lépréates se joignirent à Lacédémone contre Mantinée.

Agésilas, ayant sacrifié sous d’heureux auspices, marcha droit vers l’Arcadie. Arrivé à Eu-