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Les Lacédémoniens, instruits de cette défaite, résolurent d’envoyer une armée formidable, tant pour réprimer l’insolence des vainqueurs que pour conserver leurs premiers avantages. La résolution prise, ils confèrent le commandement au roi Agésipolis, et lui adjoignent trente Spartiates, comme ils avaient fait pour Agésilas en Asie. Il fut suivi de plusieurs braves volontaires des campagnes, d’étrangers appelés Trophimes, de bâtards Spartiates, hommes beaux et dressés à la discipline de Sparte. Je ne parle ni des volontaires des villes alliées, ni de la cavalerie thessalienne, jalouse d’être connue d’Agésipolis, ni enfin d’Amyntas ni de Derdas, qu’animait une nouvelle ardeur. Agésipolis, tout entier à son expédition, marchait vers Olynthe.

Cependant la ville de Phlionte, ayant mérité les éloges de ce prince pour s’être empressée de lui fournir une grande somme d’argent, s’imagina qu’en son absence Agésilas ne la viendrait point attaquer, et que les deux rois ne sortiraient pas en même temps de Lacédémone : elle maltraita donc les bannis. Ceux-ci demandaient que l’on jugeât leurs contestations devant un tribunal impartial : on les contraignait de plaider dans la ville même. ils demandaient en vain ce qu’était la justice là où les mêmes hommes étaient juges et partie ; personne ne les écoutait.

Les bannis allèrent à Lacédémone se plaindre de leurs concitoyens, accompagnés de quelques Phliontins, qui attesterent que la conduite qu’on tenait à l’égard des bannis était généralement improuvée. Phlionte irrité condamna à l’amende ceux qui sans mission étaient allés à Sparte. Ceux-ci n’osaient plus retourner chez eux : ils firent entendre que ceux qui les condamnaient étaient les mêmes hommes qui les avaient chassés, et avaient fermé leurs portes aux Lacédémoniens ; les mémes qui avaient acheté leurs biens, et qui les retenaient par la violence ; les mêmes qui avaient fait punir leur voyage d’une amende, pour que désormais personne n’osât plus venir dénoncer ce qui se passait dans la ville.

Toutes ces injustices étaient évidentes. Les éphores ordonnérent une levée, qui ne déplut pas à Agésilas : car Archidamus, son père, était lié avec Podanémus et autres bannis. Quant à lui, il était intime ami de Proclès, fils d’Hipponicus.

Après avoir obtenu des auspices favorables, il partit sans délai, et rencontra sur sa route de nombreuses députations, qui lui offriront de l’argent pour qu’il n’allât pas plus avant. Sa réponse fut qu’il ne se mettait pas en campagne pour commettre des injustices, mais pour secourir ceux qui en éprouvaient. Comme ils offraient enfin de souscrire à toutes ses volontés, pourvu qu’il n’entrât pas sur leur territoire, il leur répliqua qu’il ne croyait point aux discours de gens artificieux, qu’il exigeait un gage moins équivoque. « Lequel ? lui demandèrent-ils. — Celui que vous avez déjà donné sans vous en repentir. » Par ce mot, il entendait leur forteresse. Sur leur refus, il entra dans le pays, et tira une ligne de circonvallation autour de la place.

On murmurait dans son camp, de ce que, pour un petit nombre d’hommes, Lacédémone s’exposait à l’inimitié de plus de cinq mille individus ; et pour rendre ce fait notoire, les Phliasiens tenaient leur assemblée hors du lieu accoutumé, sous les yeux des assiégeans. Voici comment Agésilas sut parer à cet inconvénient.

Toutes les fois que des parents ou amis de bannis passaient dans son camp, il ordonnait à ses soldats de leur appréter un repas lacédémonien, de fournir le nécessaire à ceux qui voudraient prendre part aux exercices, même de leur procurer à tous des armes, et de ne point hésiter à se prêter entre eux de l’argent pour de pareilles acquisitions. En se conformant à ses conseils, ils eurent plus de mille hommes robustes, bien disciplinés et bien armés ; en sorte qu’ils finissaient par avouer que de tels soldats leur étaient nécessaires.

Tandis qu’Agésilas s’occupait de ce siège, Agésipolis vint de la Macédoine camper devant Olynthe. Comme personne ne paraissait, il acheva de ruiner tout ce qui restait ; puis, passant sur les terres alliées des Olynthiens, il y fit le même dégât et prit Torone d’assaut. C’était dans les grandes chaleurs de l’été : une fièvre brûlante le saisit. Tout récemment il avait visité le temple de Bacchus dans Aphyte ; il lui prit envie d’en revoir les bocages touffus et les ondes fraîches et limpides. il y fut porté encore vivant ; mais le septiéme jour de sa fièvre, il mourut hors du temple. Il fut embaumé