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les caressent déjà ; s’ils se joignent à eux, ce ne sera pas la un léger accroissement de forces.

« Que ces secours leur arrivent, ils trouveront encore des ressources dans les mines d’or du mont Pangée, et nous ne disons rien ici qui n’ait été dit mille fois dans Olynthe. parlerai-je de leur ambition ? Dieu ne permet-il pas que les espérances des hommes croissent avec leur fortune ? Lacédémoniens, et vous, alliés, nous avons cru devoir vous parler avec franchise ; examinez si nos discours méritent quelque attention.

« Sachez, au reste, que la puissance que nous vous avons représentée comme formidable n’est pas encore invincible. Si les villes que les Olynthiens se sont associées par force voient paraître un ennemi puissant, elles les abandonneront aussitôt ; mais si, conformément à leurs décrets. elles affermissent leur union avec Olynthe par des alliances et des acquisitions réciproques ; si, instruites par l’exemple des Arcadiens, qui, marchant avec nous, conservent leurs possessions et pillent celles d’autrui, elles voient qu’il leur est avantageux de suivre le plus fort, la puissance olynthienne ne sera peut-être pas si facile à détruire. »

Après cette harangue, les Lacédémoniens donnèrent la parole aux alliés, et les invitèrent à ouvrir l’avis qu’ils croiraient le meilleur pour le bien du Péloponnèse et des alliés. Beaucoup d’entre eux, et particulièrement ceux qui voulaient complaire aux Lacédémoniens, étaient d’avis qu’on mît une armée sur pied. Il fut donc arrêté que chaque ville contribuerait à une levée de dix mille hommes ; on ajouta en même temps qu’on serait libre de fournir de l’argent au lieu d’hommes, à raison de trois oboles éginètes par fantassin, et de quatre fois autant par cavalier. Les Lacédémoniens exigeraient des villes qui se refuseraient à l’expédition, un statère d’amende par jour pour chaque homme qu’on aurait du fournir.

Ces mesures conclues, les Acanthiens se levèrent une seconde fois pour observer que ces décrets étaient excellens, mais que leur exécution trainerait nécessairement en longueur ; que pendant la levée des dix mille hommes, les Lacédémoniens feraient bien d’envoyer en diligence le général et toutes les troupes que Sparte et les autres villes pourraient fournir sur-le-champ ; qu’en prenant ce parti, ou tiendrait en respect les villes qui ne s’étaient point déclarées pour Olynthe, et que celles qu’on avait contraintes ne seraient pas redoutables. Cet avis aussi approuvé, l’on envoie Eudamide, et avec lui environ deux mille tant néodamodes que Scirites et périèces. Lors de son départ, il pria les éphores de confier à son frère Phédidas le commandement des troupes qui ne partaient pas encore. Quant à lui, dès qu’il fut arrivé en Thrace, il envoya des garnisons aux villes qui lui en demandaient, et détacha Potidée de l’alliance d’Olynthe ; après quoi il fit la guerre comme il le pouvait avec des forces inférieures.

Sur ces entrefaites, Phébidas, ayant rassemblé les troupes qui devaient joindre Eudamine, se mit à leur tête et partit. Arrivé à Thèbes, il campa près du gymnase situé hors de la ville. La division régnait alors parmi les Thébains : leurs généraux Isménias et Léontiade se haïssaient, et chacun avait sa faction. Le premier, qui n’aimait pas Lacédémone, ne voyait point Phébidas ; l’autre, au contraire, lui rendait des soins :

« Phébidas (lui dit-il un jour, sûr de son amitié), aujourd’hui même vous pouvez rendre le plus grand service à votre patrie. Suivez-moi avec vos hoplites ; je vous introduirai dans la forteresse ; dès que vous en serez maître, croyez Thèbes aux Lacédémoniens et à tous vos amis. Une proclamation vient de défendre aux Thébains de marcher avec vous contre Olynthe ; mais exécutez ce projet de concert avec nous, et bientôt nous vous donnerons quantité d’hoplites et de cavaliers ; vous conduirez une belle armée à votre frère, et tandis qu’il travaille à s’emparer d’Olynthe, vous aurez réduit Thèbes, ville beaucoup plus puissante qu’Olynthe. »

Ce discours enflamma le courage de Phébidas : il aimait mieux se signaler par un grand exploit que de conserver sa vie ; mais il n’avait pas une grande réputation de jugement et de prudence.

Dès qu’il eut son consentement, Léontiade l’engagea à continuer sa marche comme il y était disposé. Quand il sera temps, ajouta-t-il, je reviendrai à vous, et je vous servirai de guide. Le conseil était assemblé sous les portiques de la place publique, parce que les femmes célébraient dans la Cadmée la fête de Cérés ; les rues étaient désertes ; car c’était en été et sur le midi. Léontiade monte à cheval, ramène Phébidas et le