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raient qu’empirer, s’ils ne se hâtaient pas d’en prévenir les suites. Ils portèrent donc la guerre contre Argos avec toutes leurs forces, auxquelles ils joignirent les hilotes. Agis, fils d’Archidamus, roi de Lacédémone, les commandait. Les Tégéates prirent les armes avec eux, ainsi que tous les alliés qu’avaient Lacédémone dans l’Arcadie. Ceux du reste du Péloponnèse et du dehors se rassemblèrent à Phlionte. Les Bœotiens avaient cinq mille hoplites, autant de troupes légères, cinq cents cavaliers, et le même nombre d’hamippes[1] ; Corinthe fournit deux mille hoplites ; le contingent des autres fut en proportion de leurs forces. Tous les Phliasiens prirent les armes, parce que l’armée était dans leur pays.

LVIII. Les Argiens ayant reçu la première nouvelle de ces préparatifs, lorsque les Lacédémoniens s’étaient avancés à Phlionte pour se joindre à leurs alliés, se mirent eux-mêmes en campagne. Les Mantinéens vinrent à leurs secours, ayant avec eux leurs alliés ; ils furent joints aussi par trois mille hoplites de l’Élide. Ils marchèrent à la rencontre des Lacédémoniens jusqu’à Méthydrium, dans l’Arcadie. Chacune des deux armées s’empara d’une hauteur. Les Argiens se disposèrent à attaquer les Lacédémoniens pendant qu’ils étaient encore seuls ; mais Agis leva son camp pendant la nuit, et, à l’insu des ennemis, il prit la route de Phlionte pour opérer sa jonction avec les alliés. Ce ne fut qu’au lever de l’aurore que l’armée d’Argos s’aperçut de son départ. Elle marcha d’abord du côté d’Argos, et prit ensuite la route de Némée, par où elle pensait que les Lacédémoniens devaient descendre avec leurs alliés. Mais Agis, au lieu de suivre ce chemin, fit part de son projet aux Lacédémoniens, aux Arcades et aux Épidauriens, enfila une autre route qui était difficile, et descendit dans la plaine d’Argos. Les Corinthiens, les Pellènes et les Phliasiens prirent d’un autre côté un chemin escarpé. Comme il pouvait arriver que les Argiens, qui étaient campés sur la route de Némée, vinssent les attaquer dans la plaine, l’ordre fut donné aux Bœotiens, aux Mégariens et aux Sicyoniens de descendre par cette route pour les prendre par derrière avec la cavalerie. Agis, ayant ainsi distribué ses forces, se jeta dans le pays plat, et ravagea les campagnes, entre autres celle de Saminthe.

LIX. Des que les Argiens apprirent la dévastation de leurs champs, ils partirent, avec le jour, de Némée, pour y porter du secours, et rencontrèrent, sans s’y attendre, l’armée de Phlionte et de Corinthe. Ils tuèrent quelques Phliasiens, et les Corinthiens ne leur tuèrent pas à eux-mêmes beaucoup plus de monde. Les Bœotiens, les Mégariens et les Sicyoniens arrivèrent par Némée, suivant l’ordre qu’ils avaient reçu ; mais ils n’y trouvèrent plus les Argiens ; ils étaient descendus en voyant ravager leurs champs, et s’étaient mis en ordre de bataille. Les Lacédémoniens, de leur côté, se préparèrent au combat. Ceux d’Argos se trouvaient pris au milieu des ennemis. Du côté de la plaine, les Lacédémoniens et ce qu’ils avaient avec eux d’alliés, leur ôtaient toute communication avec la ville : sur les hauteurs était l’armée de Phlionte et de Corinthe, et vers Némée, les Bœotiens, les Sicyoniens et les Mégariens. Ils n’avaient pas de cavalerie ; car, seuls de leurs alliés, les Athéniens n’étaient pas encore arrivés. En général, les Argiens et leurs alliés ne voyaient pas le mal tel qu’il était ; ils se croyaient même en fort bonne position pour livrer le combat, et se félicitaient d’avoir pris l’armée de Lacédémone sur leur territoire et dans le voisinage de leur ville. Mais lorsque les deux armées étaient sur le point de commencer l’action, deux hommes d’Argos, Thrasylle, l’un des cinq généraux, et Alciphron, hôte de Lacédémone, vinrent détourner Agis de donner bataille. À les entendre, les Argiens étaient prêts à terminer leurs différends avec Lacédémone par les voies de la justice, à faire la paix pour l’avenir, et l’assurer par un traité.

LX. Ils parlaient ainsi d’eux-mêmes, et sans l’aveu du peuple. Agis, de son côté, reçut lui seul leurs propositions, sans se consulter avec un certain nombre de citoyens : content de les communiquer à un seul homme en place qui se trouvait dans son armée, il conclut une trêve de quatre mois, dans lesquels les conventions devaient être exécutées. Aussitôt après, il remmena ses troupes sans rien dire à aucun des alliés. Les

  1. Hamippes. Suivant Hésychius, c’était des troupes qui combattaient à pied et à cheval, comme nos dragons, voce dimaxai. Suivant d’autres, c’était des cavaliers qui conduisaient deux chevaux et qui sautaient de l’un sur l’autre. Il se pourrait faire que Suidas eût raison, et que les hamippes dont parle Thucydide fussent des hommes de pied, légers à la course, qu’on mêlait avec de la cavalerie.