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20 PROVERBES

Καὶ τὰς γ’ἑταίρας φασὶ τὰς Κορινθίας.
ὅταν μὲν αὐτάς τις πένης πειρῶν τύχῃ,
οὐδὲ προσέχειν τὸν νοῦν, ἐὰν δὲ πλούσιος,
τὸν πρωκτὸν αὐτὰς εὐθὺς ὡς τοῦτον τρέπειν.

Ce prouerbe touche à l’histoire de Danaé, qui fut corrompuë par Iupiter, transformé en pluye d’or.

Il n’est si grand iour qui ne vienne à vespre.

Par ce prouerbe nous sommes appris que toutes choses de ce monde viennent en fin à decadence, comme il n’est point de iour si long qui n’ayt son soir qui le suit. Cecy se peut estendre & appliquer à toutes choses, comme properité, credit, authorité, pompe, & choses semblables, lesquelles ne sont perdurables, & prennent fin comme les autres.

Apres la pluye vient le beau temps.

Ce prouerbe nous declare la vicissitude alternatiue de toutes choses soubs le ciel, pour estre consolez & auoir bon courage en nos aduersitez à l’exemple du temps, lequel ordinairement apres la pluye retourne beau & serain. De mesmes aussi apres les afflictions viennēt les ioyes & plaisirs, & apres le trauail vn gracieux & doux repos, & ainsi consequemment le bien suit le mal. A ce prouerbe est accordant ce mot Latin, Post nubila Phœbus. Et toute cette Ode d’Horace, Non semper imbre : & autres, icy se peut faire vne longue & belle digression sur la deuise de Geneue, Post tenebras lux. En mesme sens les bons compagnons disent, Le Diable n’cil tousiours à vne porte.

A petit mercier, petit panier.

Ce prouerbe en tiré des merciers qui vont par les champs auec vne balle de mercerie sur le dos, la pluspart du païs de Sauoye, nommez communément Porte-paniers, ou Porte-tablettes, ou bien Colporteurs. Par ce prouerbe nous sommes admonestez que chacun doit mesurer ses forces & facultez, & ne prendre sur soy fardeau plus pesant que ce qu’il pourra porter. Comme ordinairement entre telles gens se trouuēt beaucoup de ieunes garçons, ausquels il ne seroit raisonnable de mestre sur les espaules vne balle de mercerie de telle grandeur & puis que porteroit vn homme fort & robuste. Cela se peut aussi estendre plus loin, asçauoir que chacun se doit mesurer, pour ne rien entreprendre qui passe sa mesure.

Battre le fer quand il est chauld.

Le fer est vn metal que chacun cognoist, & de plus grandc vtilité à l’homme que nul autre. Il est malleable & se laisse dresser en telle forme que l’on veut, quand il est tellement eschauffé au feu, qu’il semble estre le feu mesme. Pour ceste cause les mareschaux, serruriers, & autres artisans qui en trauaillent, sont fort diligens le retirant ainsi rouge de leur forge, de le mettre soudain sur l’enclume, & auec le marteau & tenailles, le tant frapper, tourner, & retourner, qu’en fin ils le reduisent tel qu’ils veulent, deuant qu’il se refroidisse. A cet exemple nous sommes admonestez, que quand nous auons quelque affaire en main, qui ia est en bon train & prend quelque progrez, il faut estre diligcent de le poursuyure & employer les moyens qu’on y a, iusques à tant qu’on en ayt obtenu la fin pretēduë, de peur que par intermission le tout ne soit à recommencer, tout ainsi que laissant refrotdir le fer sans le battre, il faut le remettre au feu, & ni a rien de fait.

L’habit ne fait pas le moine.

Par ce prouerbe nous sommes enseignez, que le vestement & autres choses externes, donnent bien quelque tesmoingnage de la profession que les personnes font en apparence, mais que pour cela ils ne sont tousiours par le dedans tels qu’ils doyuent estre. De fait tel porte vn froc, vn capuchon & quelque chose de couleur vsitée aux moynes, qui pourtant n’est pas moyne : C’est à dire duquel la vie & conuersation n’a aucune conformité au vray estat Monachal. Aussi S. Hierosme disoit de son temps : Ecce vndique mandus feruet monachis & sacerdotibus, & tamen iam sunt rarißimi sacerdotes & monachis, cum vix de centum vnum reperiatur. Tout de mesme tel se void bien armé de pied en cap, representant vn vaillant homme de guerre, qui bien souuent est vn couard & poltron, & partant en tous estats il ne faut iuger par l’exterieur seulement.

A l’enfourner on fait les pains cornuz.

C’est à dire, qu’il faut bien dresser & projetter les commencemens de tous affaires, de peur d’encourir le prouerbe Latin, Impingere in limine, c’est à dire  : se heurter le pied au sueil de la porte, des le premier pas qu’on fait pour sortir de la maison. Cette similitudc est prise des fourniers, lesquels se gardent tant qu’ils peuuent, mettans le pain dans le four pour cuire, de heurter à chose qui puisse difformer leur pain estant encore tendre : Car quand il est cuict & endurcy du feu, il ne se peut redresser. Ainsi en est-il de quelque faute faite des le commencement d’vne affaire, laquelle ne se peut par apres rabiller.

En la queuë gist le venim.

Le prouerbe precedant nous veut apprendre à estre aduisez & prudents au commencemēt de noz entreprises, & cestuy-cy nous aduertit de nous donner bien garde sur la fin. Il est tiré de la nature des serrpens, & particulierement du scorpion, la morsure du-


quel est lors dangereuse, quand il peut toucher la playe de sa queuë. Tout de mesmes aucunes personnes ont du commencement qu’on les aborde, vn accueil assez doux & gracieux, du moins ne monstrent leur mauuaise volonté, mais en fin gettent & descouurent leur mal-talent & poison.

A qui meschet on luy mesoffre.

Ce prouerbe descouure la peruersité & faute de charité qui se trouue en plusieurs ; Et est pris de ce qui se voit ordinairement estre practiqué entre les hommes : C’est, que si quelque pauure personne se trouue en telle neccessité que force luy soit de vendre sa maison ou autre heritage, tel qui auparauant auoit grand envie de l’acheter, & eust beaucoup donné, en offre alors beaucoup moins que la iuste valeur.

Qui a le bruit de se leuer matin, peut bien dormir la grasse matinée.

Par ces mots nous sommes enseignez que bien-souuent l’opinion bonne & iugement que l’on fatt des personnes, est fondée sur le bruit & dire du commun, plus que sur la verité mesme : de sorte que la reputation surmonte le fait propre. Et se void assez de gens que le commun tiēt pour sages, doctes, vaillans, & ornez de beaucoup d’autres vertus, qui n’ont rien de tout cela si on les regarde & examine de pres.

On auroit außi tost vn pet d’vn asne mort.

Entre les adages qui sont vn petit sales, cestuy-cy en est l’vn, qui est proprement dit de ceux lesquels interrogez de quelque chose, ne donnent aucune response, & plus sont sollicitez de parler, plus se rendent muets.

Tout ce qui reluit n’est pas or.

Par ce mot nous sommes appris de ne pas iuger legerement selon l’apparence exterieure des choses, laquelle bien souuent trompe tellement le sens de la veuë, qu’elle fait estimer estre ce qui n’est pas. Comme on voit que plusieurs choses ont le lustre & la couleur de l’or, qui pourtant ne sont pas or.

Dieu gard la Lune des Loups.

Cecy se dit ordinairement à ces brauaches mangeurs de charretes ferrées, quand on oit qu’ils menassent plus qu’ils n’ont de puissance de mal faire. C’est vne façon d’ironie ridicule, de prier que Dieu vueille defendre la lune à l’encōtre des loups qui heurlent apres, d’autant qu’on sçait bien qu’ils ne la peuuent mordre.

A trop acheter n’y a que reuendre.

Combiē que ce prouerbe soit comme peculier aux marchans, les admonestant que les denrées trop cherement achetées ne se peuuent reuendre qu’auec perte. Neantmoins il se peut estendre plus loin, asçauoir qu’en toutes choses on se doit garder d’employer de son temps & labeur, plus qu’il n’y a d’apparence d’en retirer en fin d’vtilité & de proffit.

Qui trop embrasse mal estreint.

Ce prouerbe est pris de ceux lesquels pensent amasser a vn coup plus de choses ensemble, qu’ils n’en peuuēt contenir & serrer entre leurs bras. Et nous enseigne de n’entreprēdre plus d’affaires a la fo1s que nous n’en pouuons expedier.

Pour vn poil Martin perdit son asne.

Ceux qui disent, Pour vn point Martin perdit son asne ont occasion d’aduoüer qu’ils ne sauent l’origine de ce prouerbe : Mais il sera facile à le restituer en son entier, selon qu’il est cy dessus. Le faict est qu’vn nommé Martin, ayant perdu son asne à la foire, il arriua que l’on en trouua vn autre qui estoit aussi perdu, de sorte que le Iuge de village estoit d’opinion que l’on rendist à ce Martin l’asne qui auoit esté trouué, mais celuy qui l’auoit en sa possession, & le vouloit faire sien, s’aduisa de demander à Martin de quel poil estoit son asne lequel ayant respōdu que l’asne estoit gris, fut debouté sur le champ de sa demande, d’autant que l’asne estoit noir. Ainsi pour n’auoir sçeu dire de quel poil estoit sa beste, il donna lieu à ce prouerbe.

Clocher des deux costez.

Porter à deux espaules.

le premier de ces deux prouerbes est attribué à Elie le prophete, duquel il est escrit au premier liu. des Rois cha. 18. vers. 11. en ceste sorte, Puis Elie s’approcha de tout le peuple, & dict, Iusques à quand clocherez vous des deux costez ? Si l’Eternel est Dieu, suyuez le : mais si c’est Bahal fuyuez le. Qui est vne similitudine prise de ceux qui sont boiteux des deux hanches, de sorte que cheminant, à chacun pas qu’ils font panchent & s’inclinent tout le corps tantost d’vn costé, tantost d’vn autre.

L’autre est tiré de ceux qui portent sur eux quelque fardeau, lequel par fois ils mettent tantost sur l’vne de leurs espaules, tantost sur l’autre. C’est vn mesme sens & signification, & en peut on proprement vser contre ceux lesquels sans aucune forme & stable resolution vacillent, & sont tousiours branlans. Mesmes s’il est question de prendre quelque parry, ils suyuent tantost l’vn & tantost le contraire, sans aucun arrest : Et encor qu’ils facent demonstration d’embrasser la cause de l’vn, ils font tout le semblable à son aduersaire.

Estre en la paille iusqu’au ventre.

Ce prouerbe est pris des cheuaux, ausquels le meilleur traictement qu’ils puissent receuoir, outre le foin & l’aueine en abon-