Page:Thoreau - Walden, 1922.djvu/274

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Webster, son orateur. J’aime à peser, me tasser, graviter vers ce qui m’attire avec le plus de force et de justice, – non à me pendre au fléau de la balance pour tâcher de peser moins, – non à supposer un cas, mais à prendre le cas tel qu’il est ; à suivre le seul sentier que je peux, et celui sur lequel nul pouvoir ne saurait me résister. Je n’éprouve aucune satisfaction à commencer une voûte avant de m’être assuré une fondation solide. Ne jouons pas à kittlybenders[1]. Partout se trouve un fond sérieux. Le voyageur, lisons-nous, demanda à l’enfant si le marais qui s’étendait devant lui avait un fond résistant. L’enfant répondit affirmativement. Mais voici que le cheval du voyageur enfonça jusqu’aux sangles, sur quoi le voyageur dit à l’enfant : « Je croyais que tu m’avais dit que cette fondrière avait un fond résistant. » « Mais oui, elle en a un », répondit l’enfant, « mais vous n’en êtes pas encore à moitié route. » Ainsi en est-il des fondrières et sables mouvants de la société ; mais vieux l’enfant qui le sait. Seul est bien ce qui est pensé, dit ou fait – suivant certain rare accord. Je ne voudrais pas être de ceux qui iront sottement enfoncer un clou dans le simple galandage et le plâtre ; tel exploit me tiendrait éveillé la nuit. Donnez-moi un marteau, et que je tâte où est la poutre. Ne comptez pas sur le mastic. Enfoncez droit votre clou et rivez-le si sûrement que vous puissiez, vous éveillant la nuit, penser à votre travail avec satisfaction, – un travail à propos duquel vous n’auriez pas honte d’invoquer la Muse. De la sorte Dieu vous aidera, et de la sorte seulement. Il n’est pas de clou enfoncé qui ne devrait être comme un nouveau rivet dans la machine de l’univers, avec vous pour assurer la marche du travail.

Mieux que l’amour, l’argent, la gloire, donnez-moi la vérité. Je me suis assis à une table où nourriture et vin riches étaient en abondance, et le service obséquieux, mais où n’étaient ni sincérité, ni vérité ; et c’est affamé que j’ai quitté l’inhospitalière maison. L’hospitalité était aussi froide que les glaces. Je songeai que point n’était besoin de glace pour congeler celles-ci. On me dit l’âge du vin et le renom de la récolte ; mais je pensai à un vin plus vieux, un plus nouveau, et plus pur, d’une récolte plus fameuse, qu’ils ne possédaient pas, et ne pouvaient acheter. Le style, la maison et les jardins, et le « festin », ne sont de rien pour moi. Je rendis visite au roi, mais il me fit attendre dans son antichambre, et se conduisit comme quelqu’un désormais incapable d’hospitalité. Il était en mon voisinage un homme qui habitait un arbre creux. Ses façons étaient véritablement royales. J’eusse mieux fait en allant lui rendre visite.

Combien de temps resterons-nous assis sous nos portiques à pratiquer des

  1. Jeu américain qui consiste à courir sur la glace mince et fléchissante.