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What is the railroad to me ?
I never go to see
Where it ends.
It fills a few hollows,
And makes banks for the swallows,
It sets the sand a-blowing,
And the blackberries a-growing.[1]


mais je la franchis comme on franchit un sentier de charrettes dans les bois. Je n’aurai, non, les yeux crevés plus que les oreilles déchirées par sa fumée, et sa vapeur, et son sifflet.


Maintenant que les wagons sont passés et avec eux tout le turbulent univers, que dans l’étang les poissons ne sentent plus leur grondement, je suis plus seul que jamais. Tout le reste du long après-midi, peut-être, mes méditations ne sont interrompues que par le roulement ou le cliquetis affaiblis d’une voiture ou d’un attelage tout là-bas le long de la grand’route.

Parfois, le dimanche, j’entendais les cloches, la cloche de Lincoln, d’Acton, de Bedford ou de Concord, lorsque le vent se trouvait favorable, comme une faible, douce, et eût-on dit, naturelle mélodie, digne d’importation dans la solitude. À distance suffisante par-dessus les bois ce bruit acquiert un certain bourdonnement vibratoire, comme si les aiguilles de pin à l’horizon étaient les cordes d’une harpe que ce vent effleurât. Tout bruit perçu à la plus grande distance possible ne produit qu’un seul et même effet, une vibration de la lyre universelle, tout comme l’atmosphère intermédiaire rend une lointaine arête de terre intéressante à nos yeux par la teinte d’azur qu’elle lui impartit. Il m’arrivait, en ce cas, une mélodie que l’air avait filtrée, et qui avait conversé avec chaque feuille, chaque aiguille du bois, telle part du bruit que les éléments avaient reprise, modulée, répétée en écho de vallée en vallée. L’écho, jusqu’à un certain point, est un bruit original, d’où sa magie et son charme. Ce n’est pas simplement une répétition de ce qui valait la peine d’être répété dans la cloche, mais en partie la voix du bois ; les mêmes mots et notes vulgaires chantés par une nymphe des bois.


  1. Que me fait le chemin de fer, à moi ?
    Jamais je ne vais voir
    Où il aboutit.
    Quelques creux il remplit,
    Fait des terrasses pour les hirondelles
    Le sable se soulever,
    Et la ronce pousser.