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ii. — rivalen et blancheflor

ni repos. · · · · · · · · · · [1].

S chap. IX.Désormais tous deux portent un même souci, une même inquiétude et une même pensée ; elle l’aime de fin cœur, et lui d’amour loyale, et pourtant chacun des deux amants ignore l’amour de l’autre. Mais, sage et avisé, Rivalen guettait l’heure, le moyen et l’occasion de reprendre son entretien avec elle, et de changer ses sentiments à son endroit. Pourtant, en cette affaire comme en toutes, il tend vers son but avec adresse, car un danger le menace : que le roi Marke apprenne comment un jeune chevalier, à, peine arrivé à sa cour, ose prétendre à une damoiselle si noble et sa plus proche parente, et comment il tient si secrets ses projets, certes Kanelangrès ne pourra point atteindre son désir.

S chap. X.Que servirait d’allonger ce conte ? Chacun ne sait-il pas, pour l’avoir éprouvé, que la coutume des amants est de tendre le plus vite possible par des rencontres secrètes à remplir leurs désirs ? Nos fins amants s’y efforcèrent de leur mieux et se rencontrèrent avec adresse, sans attirer sur eux nul blâme, car personne ne pouvait songer à les soupçonner. Ils s’aimèrent ainsi de tout cœur et si secrètement que ni le roi, ni personne à la cour n’en sut et n’en soupçonna rien. Mais personne ne pouvait comprendre pourquoi Kanelangrès trouvait bon de séjourner si longtemps à la cour du roi. Marke s’étonnait grandement qu’il se plût tant à demeurer près de lui, alors qu’il ne tenait aucune terre en Cor-

  1. Il devait se trouver ici, pour la symétrie et pour faire pendant aux agitations de Blancheflor, une peinture des troubles qui agitent Rivalen, Gottfried n’y a pas manqué : Rivalen se demande longuement si c’est « durch haz od aber durch minne » que Blancheflor l’a traité comme elle a fait, et bien des éléments de cette dissertation (notamment v. 830-840, 870-912) peuvent avoir été pris à Thomas. Mais G. est ici, comme à son ordinaire, trop personnel pour qu’on ose en rien exploiter son texte.