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sur la terre, sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre, sera délié dans le ciel.

— Je connais ces textes tout aussi bien que vous, dit M. Dumont : mais pour tout homme intelligent, ces paroles « lier et délier » signifient qu’on doit pardonner les injures, et non que les Apôtres ont reçu le pouvoir de remettre ou retenir les péchés.

— C’est cela, dirent plusieurs passagers.

— Vous voulez plaisanter, messieurs, n’est-ce pas ? dit M. Fairman.

— Non, non, répondirent-ils, nous sommes sérieux.

— Alors je vous demanderai si nous sommes toujours obligés de pardonner les injures.

— Sans doute, dirent-ils, il faut pardonner à celui ou ceux qui nous offensent ou nous causent du tort.

— Et même aimer nos ennemis, ajouta M. Dumont.

— Très bien ; cependant Jésus-Christ a-t-il pu se contredire ? Après avoir fait un commandement de toujours pardonner les injures, a-t-il pu, dis-je, nous donner la permission de pardonner ou de ne pas pardonner ?

— Vous savez bien que cela n’est pas possible, répondit M. Dumont ; pourquoi faire ces questions ?

— Je vous fais ces questions, afin de vous prouver que le sens que vous donnez à ces paroles de Notre-Seigneur, tout ce que vous lierez ou délierez sur la terre, sera lié ou délié dans le ciel, n’est pas acceptable.

— Comment ?

— Parce que Notre-Seigneur ne pouvait pas enseigner le pardon des injures seulement, lorsqu’il a dit : « Tout ce que vous lierez ou délierez sera lié ou délié dans le ciel, » sans se contredire. Vous conviendrez avec moi, n’est-ce pas ? que délier et lier donne deux pouvoirs bien différents et bien distincts, le premier de pardonner les injures, le second de ne pas les pardonner. Ceux que vous, moi ou toute autre personne auraient déliés, Dieu s’engageait à les délier, c’est-à-dire leur pardonner ; et ceux qu’on aurait liés, ou à