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duire ces bons vieillards. Les jeunes époux passèrent quelques semaines auprès d’eux.

Il ne manquait plus rien à leur bonheur… Je me trompe, le souvenir d’Emily était toujours présent avec ses amertumes et ses déchirements, et rien ne pouvait en effacer la mémoire.

— Ah ! qui nous dira, répétaient les trois amis que désormais nous appellerons les trois frères, qui nous dira ou est Emily ? ce qu’est devenue notre chère Emily ?

— Eh bien ! cherchons-la et puissions-nous la retrouver et mettre ainsi le comble au bonheur de tous.

Retournons, aimable lecteur, dans une des gorges des montagnes Rocheuses, déjà témoins de tant de souvenirs.

La nuit est très sombre, une nuit sans lune et sans étoiles, obscurcie encore par de gros nuages noirs et menaçants.

Autour d’un grand feu, une centaine de sauvages sont à délibérer sur le sort d’un prisonnier, un blanc, qu’ils ont garrotté et lié au pied d’un arbre.

À la clarté de ce feu, on peut lire le calme et la résolution sur sa figure. Les regards qu’il lance sur ses accusateurs sont ceux du mépris ; ses bras qu’il remue, malgré les liens qui les retiennent, leur portent le défi.

Les gestes et les figures sinistres de ces sauvages, lui font prévoir le sort qui l’attend : cependant, soit répugnance, soit mépris, il garde le silence, son attitude est ferme ; ses lèvres pourtant semblent murmurer une prière.

Les chefs et les vieillards ont parlé et demandé sa mort. Alors ils se tournent vers un jeune chef, remarquable par sa haute stature, son regard fier et intelligent, et lui disent :

— Et toi, Aigle-Bleu, parle selon ta sagesse ; donne-nous ton conseil.

Le jeune chef se lève, et fait quelques pas vers le