Page:Thomas - Gustave ou Un héros Canadien, 1901.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
324
gustave

pensées qui l’attristent, mais ces pensées, loin de s’éloigner, l’accablent de plus en plus.

Enfin, il se couche et cherche dans le sommeil le repos si nécessaire à son esprit épuisé d’émotion et de fatigue. Mais le sommeil fuit ses paupières ; son épouse, sa fille et Gustave apparaissent tour à tour devant son imagination troublée ; il lui semble qu’elles pleurent son absence, et le supplient de hâter son retour ; il voit Gustave se jeter tout joyeux dans les bras de sa mère et de sa sœur ; mais quelques instants après, son épouse et sa fille pleurent de nouveau parce que Gustave ne peut leur dire où est son père ; plus tard, il les voit tous trois se diriger vers une église où ils entrent pour demander à Dieu le retour de l’époux et du père.

— Ah ! mon Dieu, se dit-il, que je suis malheureux ! Pourquoi leur causerais-je de la peine plus longtemps ?… Il n’en tient qu’à moi d’en finir ? Oui, je vais aller les rejoindre tout de suite.

Le jour paraît et il n’a pas encore fermé l’œil ; toute la nuit, il n’a cessé de prier et de s’affermir dans la résolution de partir au plus vite pour Saint-Louis.

Il se lève, prend son déjeuner et se rend au bureau du colonel.

— Qu’avez-vous donc, monsieur ? dit ce dernier ; vous me paraissez malade.

— Et je le suis, colonel, malade de corps et d’esprit. Je n’aurais pas dû laisser partir mon fils.

— Le quartier-maître a cent dollars à vous donner. Cette somme vient de Gustave, qui n’a pas voulu prendre ses honoraires parce qu’il n’était pas en âge, tout en priant le commandant du fort Leavenworth de vous la faire parvenir.

— Le cher enfant, dit M. Dumont ému ; quel respect il m’a toujours témoigné !

— Vous avez un bon fils, et vous devez, en être fier.

— Qui ne serait pas heureux d’avoir un tel enfant ?