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Il la voit entrer dans la maison. « Attendons quelques minutes, se dit-il, laissons-la entamer la conversation, puis nous verrons ». Quelques minutes plus tard il entre sans s’annoncer, ce qui était contraire à ses habitudes, et il entend son père dire à cette femme :

— Je voudrais bien répondre à votre désir, madame ; retardons notre mariage de quelques jours, j’ai mon fils qui…

— Pourquoi retarder ? demande cette femme en l’interrompant.

Mais elle ne peut continuer, Gustave s’écrie d’une voix forte :

— Sortez d’ici, malheureuse ; Satan vous a-t-il envoyée ici pour entraîner mon père dans un abîme ? Combien d’hommes avez-vous ainsi arrachés à leurs épouses légitimes ? Mon père n’est pas le premier que vous avez attiré par votre beauté. Hors d’ici, sinon… et il s’élance sur elle.

— Arrête, arrête, lui crie son père pâle et défait.

— Ah ! cher père, dit Gustave en se tournant de son côté, où en êtes-vous rendu avec votre interprétation de l’Évangile ? Comment avez-vous pu y trouver que vous pouviez abandonner votre épouse légitime et vos enfants pour vous jeter dans les bras d’une autre femme ? J’ai entendu parler de celle-ci avant aujourd’hui, et les autorités de votre église n’ont point voulu l’admettre comme membre de leur secte. Ne voyez-vous pas la faute grave que vous voulez commettre et le piège qu’elle vous tend ? Ah ! je vous en prie, un peu de respect pour vous-même et votre famille.

Cette femme, effrayée, restait comme clouée sur sa chaise. M. Dumont, la vue basse, n’osait répondre à son fils, qui tenait les yeux fixés sur lui.

Voyant que son père garde le silence, Gustave reprend d’une voix pleine de douceur :

— Répondez-moi donc, cher père ; dites-moi, je vous en prie, que vous ne voulez pas nous abandonner ;