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— Tu ne devrais pas intervenir, Louise, lorsque je fais défense à mon fils de se livrer à ces folies, répliqua M. Dumont surpris, car c’était la première fois que son épouse se permettait de le contrarier. N’as-tu pas fait pareille défense tout à l’heure dans le jardin ? n’as-tu pas même jeté image et fleurs aux quatre vents ? et loin de te contrarier, je t’ai félicitée de ta conduite.

C’en était trop pour madame Dumont ; non seulement l’image et les fleurs, sans cesse présentes à son esprit, lui causaient des remords, mais son époux lui-même venait à son tour l’accabler davantage. Elle fut sur le point de quitter la table ; se redressant, cependant, elle répondit avec hauteur :

— Tu peux l’avertir ou lui démontrer ses folies, mais ne serait-ce point user de cette « influence indue sur la jeunesse, » que, en chaire, tu as condamnée avec tant de force et de chaleur il n’y a pas longtemps, que de lui défendre la pratique de sa religion

— Je ne lui ai pas défendu de faire le signe de la croix ailleurs qu’en ma présence, dit M. Dumont piqué au vif. Qu’il agisse à sa guise lorsqu’il est seul, mais devant moi, je ne le veux pas, cela m’offense.

— Je ne pensais pas, dit Gustave, vous offenser en faisant ce signe que vous avez fait vous-même pendant plus de trente ans, cher père ; un signe qui fut fait même avant Jésus-Christ.

— C’est faux, dit M. Dumont, et je défie de me prouver ce que tu viens de dire.

— Puisque vous me le permettez, je vais vous fournir les preuves que vous me demandez.

Se levant de table, Gustave se rend à la bibliothèque et revient avec quatre volumes qu’il dépose devant lui. Ouvrant alors son catéchisme de controverse, il trouve la page désirée et présente à son père deux des volumes en disant :

— Tenez, papa, voici Milner, ministre protestant et écrivain distingué, qui déclare que « le signe de la