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Le splendide génie éternel n’a pas d’ombre.
Moi, de votre désir soucieux, je veux voir
A qui s’évanouit, hier, dans le devoir,
Idéal que nous font les jardins de cet astre,
Survivre pour l’honneur du tranquille désastre
Une agitation solennelle par l’air
De paroles, pourpre ivre et grand calice clair,
Que, pluie et diamant, le regard diaphane
Resté là sur ces fleurs dont nulle ne se fane,
Isolé parmi l’heure et le rayon du jour !

Depuis le midi de la quatrième stance jusqu’au lucide contour de la septième, la Prose conduit selon la même courbe que le Toast la même suite d’images. Dans une lumière pure, dans un génie sans ombre, le jardin des mots éternels,

De grandes fleurs avec la balsamique Mort,
Pour le poète las que la vie étiole.

On devine l’ébauche de ce poème des Fleurs, à la Shelley, que dut rêver Mallarmé. En cet état de grâce poétique, chaque mot, paré

D’un lucide contour, lacune,

s’isole du jardin musical, et sur lui paraît nu de volupté sensuelle. Que la Prose pour des Esseintes se relie par là, dans la pluie et le diamant, au poème écrit pour faire un tombeau à Gautier, c’est un signe très exact de filiation littéraire entre le métier parnassien et la ferveur des symbolistes à l’égard des mots.

Stance VIII. — La stance

Gloire du long désir, Idées,

est, comme un pétale extrême de fleur, le sommet du poème. Le sens se dégage très clairement, reproduisant les mots mêmes du Toast Funèbre.

le devoir,
Idéal que nous font les jardins de cet astre.