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sie opposée à l’action politique, de la femme opposée à la nature : tous trois convergeant vers la vie secrète, silencieuse et fervente, réunion de ce qui existe de plus délicat, afin que sur lui seul, selon le discours d’Agathon, puissent poser les pieds nus de l’Amour. Seulement, chez Vigny, fidèle à l’ordre oratoire du romantisme, ces trois motifs sont présentés successivement, avec des transgressions et des commencements brusques qui révèlent le malaise dii symbole dans cette forme logique. L’Après-Midi écarte le médiateur plastique, l’ossature oratoire. Pas d’autre support matériel du symbole que çà et là, la Syrirtx qui se fond encore dans un résidu plus immatériel, dans un rayon, dans une ligne, dans un son... Une même phrase musicale développe sous la diversité des motifs la simplicité de l’Idée. Le poème de Mallarmé est à la limite de celui de Vigny, — hyperbole...

Rien peut-être n’est allé si loin que l'Après-Midi d’un Faune dans cette voie de la poésie pure. L’émanation de musique et do ballet que le poète projeta d’en dégager, notre lecture, du papier seul, suffit à l’exhaler. Les visions et les ombres qui fuient de la flûte, de la plainte et de l’extase du faune réalisent autour de l’œuvre ces nuées renouvelées d’air limpide et d’or vivant : sur ce théâtre de pensée, la forme et le sujet, le poème et la Poésie, s’unissent, eux aussi, pour notre joie de les percevoir, simples, infinimont, sur la terre, d’oublier que rien d’autre soit.