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cert-Lamoureux. Et en effet, l’églogue de Mallarmé ne devient claire que si l’on voit en elle? au contraire de tout génie oratoire et de tout développement logique, la transposition de la symphonie au poème. Sans pensée d’imitation matérielle : Mallarmé, lorsqu’il écrivit l’ignorait à peu près. Aussi, plus tard, est-ce avec une justesse parfaite qu’il parlait de reprendre, au concert, son bien ; il reconnaissait dans la musique l’exemple authentique et épanoui de la forme d’art qu’il avait, de son propre fonds, poursuivie dans la poésie.

L’Après-Midi fut sinon écrit, du moins conçu pour être dit sur une scène ; monologue par Coquelin aîné. Il n’est pas invraisemblable que Mallarmé, avec cette confiance ingénue dans l’intelligence de ses auditeurs qui lui faisait prononcer à Oxford sa conférence sur La Musique et les Lettres, ait cru de bonne foi que Coquelin goûterait son poème et qu’un auditoire le pénétrerait. Plus tard, longtemps après la publication, il en projeta une édition « pour la scène », sans doute avec des indications de ballet.

Dans L'Après-Midi reviennent curieusement plusieurs des motifs familiers à Mallarmé. M. Remy de Gourmont, dans une notice sur la Dernière Mode[1], rapproche du poème ces lignes « à propos d’un livre de vers intitulé Le Harem ».

a Par une loi supérieure à celle qui, chez les peuples barbares, enferme véritablement la femme entre des murs de cèdre ou de porcelaine, le poète (dont l’autorité en matière de vision n’est pas moindre que celle d’un prince absolu) dispose avec la pensée seule de toutes les dames terrestres. Jaune ou blanche ou cuivrée, leur grâce est soudain requise par lui quand il se met à l’œuvre ; elle vient former les flottantes figures animant les livres... Secret, ô mes aimables lectrices, maintenant divulgué, de ces heures vides et sans cause, et de ces quasi-absences de vous-mêmes, auxquelles vous

  1. Promenades Littéraires IIe série, p. 43.