Page:Thibaudet - La Poésie de Stéphane Mallarmé.djvu/401

Cette page n’a pas encore été corrigée

Par un doigt simple, afin que sa candeur de plume
Se teignît à l’émoi de sa sœur qui s’allume,
La petite, naïve et ne rougissant pas.

Et la proie ainsi divisée, alors, désenlacée de ses bras, ingrate, s’est évanouie. Le faune, regonflant ses souve- nirs, n’y a trouvé que les lambeauxd’une passion brisée. Tant pis 1 ce que le passé dessèche, l’espérance le dore. El le faune, oublieux de la flûte qui peut-être n’était que l’écho d’une ombre, oublieux du souvenir qui peut- être était cette ombre dans la lumière, s’en va vers la vie, vers la vérité brutale de l’étreinte. Qu’il laisse les raisins pâles et leurs peaux vidées 1

Tu sais, ma passion, que pourpre et déjà mûre,
Chaque grenade éclate et d’abeilles murmure,
Et notre sang, épris de qui le va saisir,
Coule pour tout l’essaim éternel du désir.

Voici le soir : le bois est d’or et tout en fête. Et comme un cœur brûlant soulève d’amour un beau corps, l’Etna, visité de Vénus, surgit sur la campagne de Si- cile. « Je tiens la reine 1 » s’écrie le faune. Mais non. Tout défaille. Ombre, illusion encore. Et l’âme du faune, lassée de rêves, va se défaire dans le silence et dans le sommeil. Non plus la Syrinx qui l’attend aux lacs, mais il approche de ses lèvres le vin vrai, l’ivresse de la terre. Et, sur le sable endormi, achevant cette après-midi de mensonge et de beauté, il va recommencer à voir des ombres, à se décevoir de leur poursuite.

Couple, adieu ; je vais voir l’ombre que tu devins.

Ainsi le dernier vers vient reprendre le motif du premier

Ces nymphes je les veux perpétuer,

et, comme en des volutes indéfinies, reprend le même cycle de songes.

L’analyse que j’ai essayée rappelle fâcheusement, j’en suis sûr, à plusieurs, les programmes distribués au Con-