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300 LA POÉSIE DE STÉPHANE MALLARMÉ

poète qui médita de façon si sublilo et si originale sur le théâtre était incapable du moindre coup de crayon dramatique, comme le mosaïsto byzantin est incapable d’anatomie.

D’Hérodiade en partie sont nées ces princesses légen- daires qui formèrent un des lieux communs du symbo- lisme. D’Hérodiade aussi procède un peu cet attrait que sur le symbolisme exerça le mythe de Narcisse. La poésio qui s’isole dans la pureté do son chant, la conscience qui annule toute existence autre qu’elle sur son miroir do lucidité, se sont connues au contact de cette orfèvrerie. Et sur les mêmes limites du Parnasse et du symbolisme, ou plutôt entre les influences plus anciennes et plus vastes de Flaubert et de Wagner, il faut placer VAxël de Villiers, attitude pareille de l’esprit qui dit non à la iVie, parce que son rêve l’a épuisée toute.

Mais le poème inachevé appelle par ses derniers vers la suite que nous n’avons pas. Cette pureté orgueilleuse d’Hérodiade, cette vision de glace, de métaux et de pierres précieuses, Mallarmé les présente comme un dé- cor, ou comme, devant quelque forme glorieuse, mys- térieuse encore de la vie, un rideau qu’un moment au- guste ya écarter.

Vous mentez, 6 fleur nue De mes lèvres t

J’attends une chose inconnue, Ou peut-être, ignorant le, mystère et Vos cris, Jetez-vous les sanglots suprêmes et meurtris D’une enfance sentant parmi les rêveries Se séparer enfin les froides pierreries.

S’il hésita si longtemps à écrire la suite annoncée, tentée, ne serait-ce pas qu’après cette porte d’or, après cet excès unique de splendeur verbale (qui défaille un peu dans ces derniers vers) rien ne pouvait satisfaire son

celle-ci, un langage naïf qui pût prêter à sourire, et qui témoigne chez lui d’autant d’esprit qu’il y a de naïveté maladroite dans le dialogue de Mallarmé.