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l’édifice où se reçoit le baptême de la foi nouvelle, le maître toscan a fondu sur ses vantaux de Paradis les images de la foi ancienne, l’histoire figurée d’Israël. Et devant la scène où le rêve du poète imagine pour l’homme un bain de lumière transfiguratrice, quelques phrases, pleines comme du bronze, délicates et ciselées comme des draperies florentines, disposent, en un Ancien Testament, sa forme annonciatrice d’aujourd’hui, l’Église.

Mallarmé désire simplement évoquer le rêve du spectacle futur par une analogie, celle de la Messe, nullement le tracer dans quelque détail. « J’ai voulu, d’ici, quand ce n’est prêt, accouder le Songe à l’autel contre le tombeau retrouvé — pieux ses pieds à la cendre. Le nuage autour exprès : que préciser… Plus, serait entonner le rituel et trahir, avec rutilance, le lever de soleil d’une chape d’officiant, en place que le desservant enguirlande d’encens, pour la masquer, une nudité de lieu.[1] »

Mais notons qu’il s’agit de la messe catholique, disposée autour d’une « présence réelle » et non de quelque assemblée protestante. La messe est un sacrifice propitiatoire annuel, à la rigueur, le prêtre suffit. Il n’y a pas plus de différence naturelle entre la lecture du livre et le théâtre idéal qu’entre la messe individuelle dite par un prêtre dans une solitude, et la grand’messe, des cathédrales.

Le théâtre idéal ne représente pas une fiction : il implique, comme la messe, une « présence réelle ». « L’amateur que l’on est, maintenant, de quelque chose qui, au fond, soit ne saurait plus assister, comme passant, à la tragédie, comprît-elle un retour, allégorique, vers lui ; et, tout de près, exige un fait — du moins la crédulité à ce fait au nom de résultats. Présence réelle : ou que le dieu soit là, diffus, total, mimé de loin par l’acteur effacé, par nous su tremblants, en raison de

  1. Divagations, p. 307.