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complément ; la phrase devient alors doublement excentrique.

Voici à la fois deux suppressions du que, l’une au pronom, l’autre au verbe : « À quel type s’ajustent vos traits[1] », « ajustent » étant au subjonctif.

Mallarmé affectionne naturellement les formes les moins verbales du verbe, les infinitifs pris dans un sens substantif. « Le laisser volontaire des splendeurs de la jeunesse[2]. » « En feignant y porter un jugement[3]. »

Pour la même raison l’emploi du participe absolu. « Sa présence convoquée, en même temps que scrutée avec précision une intelligence chez le lecteur, telle phrase miroitante, neuve, abrupte, jaillissait[4]. » Ceci forme une phrase entre deux points : « Quelque fidélité suppléant à ce qu’on appelle, ordinairement, un public. » L’adjectif même est pris ainsi absolument, ce qui a, en français, un vague aspect de petit-nègre.

Nous immémoriaux quelques uns si contents

(Remémoration.)

On rencontre plusieurs fois chez lui l’adjectif verbal avec un complément, dans des cas où l’usage le proscrit depuis le xviie siècle :

Accomplit par son chef fulgurante l’exploit

(La chevelure vol.)

Mais « il habita dans Paris une haute ruine inexistant[5] ». L’usage voudrait l’adjectif verbal au lieu du participe. Cependant le sens adjectif n’eût-il pas impliqué à contre-sens une existence, et le sens verbal n’exprime-t-il pas l’action qui, avec le rêve même de Villiers, s’évade de l’être matériel ?

C’est dans les verbes que parfois trébuche ce langage

  1. Divagations, p. 38.
  2. Divagations, p. 91.
  3. Divagations, p. 161.
  4. Divagations, p. 356.
  5. Villiers, p. 12.