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XVIII

Les poètes savants leur prêchent la vengeance
Et ne sachant leur mal et les voyant brisés
Les disent impuissants et sans intelligence.

Les poètes bons pour l’aumône ou la vengeance,
Ne connaissant le mal de ces dieux effacés
Les disent ennuyeux et sans intelligence.

XIX

« Ils peuvent sans quêter quelques soupirs gueusés,
Comme un buffle se cabre aspirant la tempête,
Savourer à présent leurs maux éternisés.

« Ils peuvent fuir ayant de chaque exploit assez,
« Comme un vierge cheval écume de tempête
« Plutôt que de partir en galops cuirassés.

XX

« Nous soûlerons d’encens les Forts qui tiennent tête
Aux fauves séraphins du mal ! Ces baladins
N’ont pas mis d’habit rouge et veulent qu’on s’arrête ! »

« Nous soûlerons d’encens le vainqueur dans la fête !
« Mais eux, pourquoi n’endosser pas, ces baladins,
« D’écarlate haillon hurlant que l’on s’arrête ! »

XXI

Quand chacun a sur eux craché tous ses dédains,
Nus, ensoiffés de grand et priant le tonnerre,
Ces Hamlet abreuvés de malaises badins

Vont ridiculement se pendre au réverbère.

Quand en face tous leur ont craché les dédains,
Nuls et la barbe à mots bas priant le tonnerre,
Ces héros excédés de malaises badins

Vont ridiculement se pendre au réverbère.