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I

Au-dessus du bétail écœurant des humains
Bondissaient par instants les sauvages crinières
Des mendieurs d’azur perdus dans nos chemins.

Au-dessus du bétail ahuri des humains
Bondissaient en clartés les sauvages crinières
Des mendieurs d’azur le pied dans nos chemins.

II

Un vent mêlé de cendre effarait leurs bannières
Où passe le divin gonflement de la mer
Et creusait autour d’eux de sanglantes ornières.

Un noir vent sur leur marche éployé pour bannières
La flagellait de froid tel jusque dans la chair
Qu’il y creusait aussi d’irritables ornières.

III

La tête dans l’orage ils défiaient l’Enfer.
Ils voyageaient sans pain, sans bâtons et sans urnes,
Mordant au citron d’or de l’idéal amer.

Toujours avec l’espoir de rencontrer la mer,
Ils voyageaient sans pain, sans bâtons et sans urnes,
Mordant au citron d’or de l’idéal amer.

IV

La plupart ont râlé dans des ravins nocturnes,
S’enivrant du plaisir de voir couler son sang.
La mort fut un baiser sur ces fronts taciturnes.

La plupart râla dans les défilés nocturnes,
S’enivrant du bonheur de voir couler son sang,
Ô Mort, le seul baiser aux bouches taciturnes !