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nique, le fin du fin au métier du poète. Comme Banville il concevait un comique supérieur, un esprit funambulesque, dans ce calembour idéalisé de la rime opulente. Sur les quatrains bouffons qu’il donnait à des amis, cette rime offrait de ces joies

Sans même s’enrhumer au
Dégel, ce gai siffle-litre
Crie un premier numéro.

Souvent, plutôt, accompagnement musical qui ceint d’un fil de lumière quelque extrême de délicatesse et fait signe de ne point l’alourdir. Dans cette périphrase de dentelle qui désigne l’éventail de mademoiselle Mallarmé :

Le sceptre des rivages roses
Stagnant sur les soirs d’or, ce l’est,
Ce blanc vol fermé que tu poses
Contre le feu d’un bracelet.

la rime précieuse qui la termine ne paraît-elle pas quelque fine gourmette, chef-d’œuvre d’orfèvrerie parnassienne, qui, à la main de jeune fille où fleurit l’éventail, réunit de sa liane, comme un rayon rosé du soir, les ailes blanches au repos ?

L’octosyllabe porte d’ailleurs la rime équivoque avec plus d’aisance et de liberté que le grand vers. Quand les petits vers forment des stances, ils exigent presque impérieusement la rime ample. Les Émaux et Camées ont beaucoup fait pour la technique de ce vers. Musset, qui est presque un contre-rimeur, est bien obligé de rimer richement la Ballade à la Lune ou la Réponse à Charles Nodier.

Je brochais des ballades, l’une
À la lune,
L’autre à deux yeux noirs et jaloux
Andalous.

Ce sont les rimes en équivoque qui mettent à des-