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figures, qui nous rend très sensible leur rapport, voyez le sonnet Le Vierge, le Vivace ; — le Cygne. Le motif initial en est peut-être une harmonie en blanc majeur suggérée par quelque spectacle d’hiver. Peut-être aussi Mallarmé a-t-il songé à une transposition en blanc du Corbeau qu’il traduisit :

« Et le Corbeau, sans voleter, siège encore — siège encore sur le buste pallide de Pallas, juste au-dessus de la porte de ma chambre, et ses yeux ont toute la semblance des yeux d’un démon qui rêve, et la lumière de la lampe, ruisselant sur lui, projette son ombre à terre : et mon âme, de cette ombre qui gît flottante à terre, ne s’élèvera — jamais plus. »

Fantôme qu’à ce lieu son pur éclat assigne,

— et le Never more, en sourdine, sous le motif mallarméen de la déchéance. Rappelons-nous aussi, dans le Cygne de Baudelaire, la même figure d’exil.

Un Cygne qui s’était évadé de sa cage
Et de ses pieds palmés flottait le pavé sec,
Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.

Je pense à mon grand Cygne avec ses gestes fous,
Comme les exilés ridicule et sublime
Et rongé d’un désir sans trêve! et puis à vous

Andromaque, des bras d’un grand époux tombé !

Je pense à la négresse amaigrie et phtisique
Piétinant dans la boue, et cherchant, l’œil hagard,
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Derrière la muraille immense du brouillard,

Aux captifs, aux vaincus, à bien d’autres encor.

La négresse — voyez l’Olympia — est là par contraste, peut-être, comme le Cygne de Mallarmé avec le Corbeau. Mais si le thème de Mallarmé a le même point de départ que celui de Baudelaire, il dispose ses images, ou, si l’on veut, ses images se disposent, de façon que tout