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s’assembleront dix ou douze armés de longues lances ou piques grandes de quinze à seze pieds, garnies par le bout de quelque os de cerf ou autre beste, d’un pié de long ou plus, au lieu de fer, portans arcs et fleches garnies de mesme : puis par les neiges qui leur sont familieres toute l’année, suyuans les cerfs au trac par lesdites neiges assez profondes, descouurent la voye, laquelle estât ainsi decouuerte, vous y planteront branches de cedre qui verdoyent en tout temps, et ce en forme de rets, sous lesquelles ils se cachent armez en ceste maniere. Et incontinent que le cerf attiré pour le plaisir de ceste verdure et chemin frayé s’y achemine, ils se iettent dessus à coups de piques et de fleches, tellement qu’ils le contraindront de quitter la voye, et entrer es profondes neiges, voire iusques au ventre, où ne pouuant aisement cheminer, est attaint de coups iusques à la mort. Il sera escorché sur le champ, et mis en pieces, l’enuelopperont en sa peau, et trameront par les neiges iusques en leurs maisons. Et ainsi les apportoient iusques au fort des François, chair et peau, mais pour autre chose en recompense, c’est à sçauoir quelques petits ferremens et autres choses. Bruuage souuerain dont ils usent en leurs malad1es. Aussi ne veux omettre cecy qui est singulier, que quâd lesdits Sauuages sont malades de fleure ou persecutez d’autre maladie interieure, ils prennent des fueilles d’un arbre[1] qui est fort semblable aux cedres, qui se trou-

  1. L’arbre dont il est question paraît être le sapin du Canada (Abies Canadensis), doué de propriétés antiscorbutiques. On a encore émis l’opinion que ce pourrait être l’épine vinette qui a