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sement riche[1] en mines d’or, comme plusieurs autres de ce païs là, car il s’en trouue peu, qui n’aye mines d’Or ou d’argent. Au reste elle est riche et peuplée de bestes à cornes, comme bœufs, vaches, moutons, cheures, et nombre infini de pourceaux, aussi de bons cheuaux : desquelles bestes la meilleure part pour la multitude est deuenue sauuage, comme nous auons dit de la terre ferme. Quant au blé et vin, ils n’en ont aucunement, s’il n’est porté d’ailleurs : parquoy en lieu ils mangent force Cassade, fait de farine de certaines racines : et au lieu de vin bruuages bons et doux, faits aussi de certains fruits, comme le citre de Normandie. Description du Manati, poisson estrange. Ils ont infinité de bons poissons, dont les uns sont fort estranges : entre lesquels s’en trouue un nommé Manati[2], lequel se prend dans les riuieres, et aussi dans la mer, non toutefois qu’il aye tant esté veu en la mer qu’en riuieres. Ce poisson est fait à la semblãce d’une peau de bouc, ou de cheure pleine d’huile ou de vin, ayant deux pieds aux deux costez des espaules, auec lesquels il nage, et depuis le nõbril

  1. Sur la fertilité et les richesses d’Hispaniola, on peut consulter les descriptions enthousiastes de Colomb.
  2. Manati est le nom espagnol du lamantin. La description de Thevet est assez exacte. Rochefort. Histoire des Antilles. P. 178, la reproduit en termes à peu près identiques, mais en ajoutant quelques détails. « Il n’y a pas de poisson qui ait tant de bonne chair que le lamantin. Car il n’en faut souvent que deux ou trois pour faire la charge d’un grand canot, et cette chair est semblable à celle d’un animal terrestre, courte, vermeille, appetissante, et entre meslée de graisse, qui étant fondue, ne se rancit jamais. Lors qu’elle a esté deux ou trois jours dans le sel, elle est meilleure pour la santé que quand on la mange toute fraîche. »