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de temps sans ancrer, ni descendre. Neantmoins la famine et autres nécessitez, les contraignit finablement de plier voiles et planter ancres. Ce qu’ayans fait enuiron la portée d’une arquebuze loin de terre, il demande s’il leur restoit autre chose, si non par beaux signes de flatterie, et autres petits moyens, caressa messieurs les Sauuages[1], pour impetrer quelques viures, et permission de se reposer. Dôt quelque nombre de ces Sauuages allechez ainsi de loing auec leurs petites barquettes d’escorce d’arbres, desquelles ils usent ordinairement sur les riuieres, se hazarderent d’approcher, non sans aucune doubte, n’ayans iamais veu les chrestiens afronter de si près leurs limites. Toutesfois pour la crainte qu’ils monstroient de plus en plus, les Espagnols de rechef, leur faisans monstre de quelques couteaux, et autres petits ferremês reluisans les attirerêt. Et après leur auoir fait quelques petits presens, ce peuple sauuage à toute diligence leur va pourchasser des viures : et de fait apportèrent quâtité de bon poisson, fruits de merueilleuse excellence, selon la portée du païs. Entre autres l’un de ces Sauuages, ayant massacré le iour précédât quatre de ses ennemis Canibaliês, leur en presêta deux mêbres cuits, ce que les autres refusèrent. Stature de ces Sauuages. Ces Sauuages (comme ils disent) estoient de haute stature, beau corps tous nuds ainsi que les autres Sauuages, portans sur l’estomac larges croissans de

  1. Ce fut le 8 janvier 1541, que les compagnons d’Orellana s’arrêtèrent pour la première fois et reçurent un fraternel accueil de la part des Indiens.