Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lon trouue quelque belles isles, dont les unes sont peuplées, les autres non. Au surplus cette riuiere est dangereuse tout du long, pour estre peuplée, tât en pleine eau, que sur la riue de plusieurs peuples, fort inhumains, et barbares, et qui de longtemps tiennent inimitié aux estrangers, craignans qu’ils abordent en leur pais, et les pillent. Aussi quand de fortune ils en rencontrent quelques uns, ils les tuent, sans remission, et les mangent rotiz et boullus, comme autre chair. Isle de S. Croix. Donques embarquez en l’une de ces isles du Peru nômée S. Croix, en la grand mer, pour gaigner le detroit de ce fleuue : lequel après auoir passé auec un vent merueilleusement propre, s’acheminêt costoyâs la terre d’assez près, pour tousiours recognoistre le pais, le peuple et la façon de faire, et pour plusieurs autres commoditez. Costoyans donc en leur nauigation noz viateurs, maintenant deçà, maintenant delà, selon que la commodité le permettoit, les Sauuages[1] du pais se monstroient en grand nombre sur la riue, auec quelques signes d’admiration, voyans ceste estrâge nauigatiô, l’equipage des personnes, vaisseau, et munitions propres à guerre et à nauigation. Cepêdant les nauigans n’estoyent moins estonnez de leur part, pour la multitude de ce peuple incivil, et totalement brutal, monstrant quelque semblant de les vouloir saccager, pour dire en peu de parolles. Qui leur donna occasion de nauiguer longue espace

  1. Voir Tour du Monde, n° 398, planche représentant l’étonnement des Sauvages à la vue du premier bateau à vapeur sillonnant les eaux de l’Amazone.