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humain, que ce peuple sauuage plus que brutal. Aussi n’y a natiô qui se puisse acouster d’eux, soyent Chrestiens ou autres. Et si vous voulez traffiquer et entrer en leur païs, vous ne serez receu aucunement sans bailler ostages, tant ils se defiêt, eux mesmes plus (lignes desquels lon se doibue mefier. Voila pourquoy les Espagnols quelquefois, et Portugais[1] leur ont ioué quelques brauades : en memoire de quoy quand ils les peuuent attaindre, Dieu sçait comme ils les traittent, car ils disnent auec eux. Inimitié grande entre les Espagnols et les Canibales. Il y a donc inimytié et guerre perpetuelle entre eux, et se sont quelquefois bien battuz, tellemêt qu’il y est demeuré des Chrestiens au possible. Ces Canibales portent pierres[2] aux leures, verdes et blanches, comme les autres Sauuages, mais plus longues sans comparaison, de sorte qu’elles descendent iusques à la poitrine. Fertilité du païs des Canibales. Le païs au surplus est trop milleur qu’il n’appartiêt à telle canaille : car il porte fruits en abondance, herbes, et racines cordiales, auec grande quantité d’arbres qu’ils nomment Acaïous[3], portans fruits gros

  1. La haine de ces Cannibales contre les Portugais surtout était inexpiable. Thevet raconte dans sa Cosmographie universelle (P. 946) qu’il essaya de prêcher aux Brésiliens la compassion vis-à-vis de leurs prisonniers Portugais : « mais ils nous renuoierent auec grande colere, et d’un fort mauuais visage, disans, que c’estoit grand honte à nous de pardonner à noz ennemis, les ayant prins en guerre, et qu’il vaut mieux en depescher le monde, à fin que de là en auant ils n’ayent plus occasion de vous nuire. »
  2. Voir plus haut, § xxxiv et note.
  3. Léry. § xiii. « Il y a en ce païs là un arbre qui croist haut eleué, comme les cormiers par deça et porte un fruict nommé