Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terre continente entre l’Ocean et le Macellanique, comme l’Amerique, Canibales, voire iusques au destroit de Magellan, ils usent de ceste farine, laquelle y est fort commune, encore qu’il y a de distance d’un bout à l’autre de plus de deux mille lieues de terre : et en usent auec chair et poisson, comme nous faisons icy de pain. Estrange façon de viure des Sauuages. Ces Sauuages tiennent une estrange[1] methode à la manger, c’est qu’ils n’approcherent iamais la main de la bouche, mais la iettent de loin, plus d’un grand pié, à quoy ils sont fort dextres : aussi se sçauent bien moquer des Chrestiens, s’ils en usent autrement. Tout le negoce de ces racines est remis aux femmes, estimans n’estre seant aux hommes de s’y occuper. Espece de febves blanches. Noz Ameriques en outre plantent quelques febues, lesquelles sont toutes blâches, fort plates, plus larges et longues que les nostres. Aussi ont-ils une espece de petites legumes blanches en grande abondance, non differentes à celles que l’on voit en Turquie et Italie. Côme ils font le sel. Ils les font bouillir, et en mangent auec du sel, lequel ils font auec eau de mer boullue, et consumée iusques à la moitié : puis auec autre matiere la font conuertir en sel. Pain fait d’espice et de sel. Pareillement auecques ce sel et quelque espice broyée ils font pains

  1. Léry. § xiii. « Ils sont tellement duitz et façonnez à cela, que la prenant auec leurs quatre doigts dans la vaisselle de terre… encores qu’ils la iettent d’assez loin, ils rencontrent neantmoins si droit dans leurs bouches qu’ils n’en répandent pas un seul brin. Que si entre nous François, les voulans imiter, la pensions manger de ceste façon, n’estans point comme eulx stilez à cela, au lieu de la ietter dans la bouche, nous l’espanchions sur les ioues et nous enfarinions tout le visage. »