Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gion est de mesme temperature que peut estre Canada, et autres païs approchans de nostre Pole : pource les habitants se vestent de peaux de certaines bestes, qu’ils nomment en leur langue, Su, qui est autât à dire, comme eau : pourtant selon mon iugement, que cest animal la plus part du temps reside aux riuages des fleuues. Ceste beste est fort rauissante, faite d’une façon fort estrange, pourquoy ie lai voulu representer par figure. Autre chose : si elle est poursuyuie, comme font les gês du païs, pour en auoir la peau, elle prend ses petits sur le dos, et les couurant de sa queue grosse et longue, se sauue à la fuite. Toutesfois les Sauuages usent d’une finesse pour prendre ceste beste : faisant une fosse profonde pres du lieu où elle a de coustume faire sa residence et la couurent de fueilles verdes, tellemêt qu’en courant, sans se doubter de l’embusche, la pauure beste tôbe en ceste fosse auec ses petits. Et se voyant ainsi prise, elle (comme enragée) mutile et tue ses petits : et fait ses cris tant espouuantables, qu’elle rend iceux Sauuages fort craintifs et timides. Enfin pourtât ils la tuêt à coups de fleches, puis ils l’escorchêt. Voyage de Fernand de Magellâ. Retournons à propos : Ce capitaine, nommé Fernand de Magellan[1], homme courageux, estant informé de la richesse, qui se pouuoit trouuer es isles des Moluques, côme abondace d’espicerie, gingêbre, canelle,

  1. Sur Magellan et son voyage, consulter la bibliographie spéciale insérée dans le tome iii des Voyageurs anciens et modernes, par E. Charton. P. 3S3-356. — Cf. F. Lacroix. Patagonie et Terre de feu. (Collection de l’Univers Pittoresque.) — Langeron. Magellan. (Revue géographique. 1877.)