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mais ce n’est auec telle foy et opinion, tes femmes ea usent autrement. Elles mettront un fil de coton long de deux pieds en la bouche du patiêt, lequel après elles sucent, estimant aussi auec ce fil emporter la maladie. Si l’un blesse l’autre par mal ou autrement, il est tenu de luy sucer sa plaie, iusques à ce qu’il soit guéri : et ce pendant ils s’abstiennêt de certaines viâdes, lesquelles ils estiment estre contraires. Ils ont ceste méthode de faire incisiôs entre les espaules, et en tiret quelque quantité de sang : ce qu’ils font auec une espèce d’herbe fort trenchante, ou biê auec dents de quelques bestes. Leur manière de viure estas malades est, qu’ils ne donneront iamais à manger au patiêt, si premièrement il n’en demande, et le laisseront plus tost languir un moys. Les maladies, comme i’ay veu, n’y sont tant fréquentes que par deçà, encores qu’ils demeurent nuds iour et nuit : aussi ne font-ils aucun excès à boire ou à manger. Manière de viure des patiêes et malades. Premièrement ils ne goutteront de fruit corrompu, qu’il ne soit iustement meur : la viande biê cuitte. Au surplus, fort curieux de congnoistre les arbres et fruits, et leurs propriétés pour en user en leurs maladies. Nana, fruit fort excellêt. Le fruit duquel plus cômunement ils usent en, leurs maladies, est nommé nana[1], gros comme une

  1. L’ananas fut très apprécié dès que les Européens le connurent. Léry n’hésite pas à affirmer sa supériorité sur les autres fruits (§ xiii) : « Quand les ananas sont venus à maturité, estons de couleur iaune azurée, ils ont une telle odeur de framr boise que non seulement en allant par les bois et autres lieux où ils croissent, on les sent de fort loin, mais aussi quant au goust fondans en la bouche, et estans naturellement si doux