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de Pagès. Chacun village, selon qu’il est plus grâd ou plus petit, nourrist un ou deux de ces venerables. Et quand il est question de sçauoir quelque grande chose, ils usent de certaines ceremonies et invocations diaboliques, qui se font en telle maniere. Ceremonies de ces Prophetes aux invocations de l’esprit malin. On fera premieremêt une logette toute neufue, en laquelle iamais homme n’aura habité, et la dedans dresseront un lict blanc et net à leur mode : puis porteront en ladicte loge grande quantité de viures, comme du cahouin, qui est leur boisson ordinaire, fait par une fille vierge de dix ou douze ans, ensemble de la farine faite de racines, dont ils usent au lieu de pain. Et toutes choses ainsi preparées, le peuple assemblé conduit ce gentil prophete en la loge, où il demeurera seul, apres qu’une ieune fille luy aura donné à lauer. Mais faut noter que auant ce mystere, il se doit abstenir de sa femme l’espace de neuf iours. Estant là dedans seul, et le peuple retiré arriere, il se couche plat sur ce lict, et commence à inuoquer l’esprit maling par l’espace d’une heure, et d’auantage faisant ie ne sçay quelles ceremonies accoustumées[1] : telle

  1. Les mêmes cérémonies sont encore pratiquées par les angekoks ou sorciers du Groenland. Cf. Graah. Voyage to Groenland. P. 123. « On n’entendit plus que la respiration haletante de l’angekok, qui semblait lutter avec quelque chose de plus fort que lui. On entendit bientôt un bruit ressemblant à celui des castagnettes… une heure s’écoula de cette même façon avant que le magicien put forcer l’esprit à venir à son appel. Cependant il vint enfin annonçant son arrivée par un bruit étrange, ressemblant beaucoup au bruit que ferait un gros oiseau en volant au-dessous du toit. L’angekok chantant toujours, lui fit des questions auxquelles l’esprit répondit