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CHAPITRE XXXV.

Des visions, songes, et illusions de ces Ameriques, et de la persecution qu’ils reçoiuent des esprits malins.


Pourquoy les Ameriques sôt subiets aux persecutiôs du malin esprit. C’est chose admirable, que ces pauures gês encores qu’ils ne soient raisonnables, pour estre priuez de l’usage de vraye raison, et de la congnoissance de Dieu, sont subiets à plusieurs illusions phantastiques, et persecutiôs de l’esprit malin. Nous auons dit, que par deça aduenait cas semblable auant l’aduenement de nostre Seigneur : car l’esprit malin ne s’estudie qu’à séduire et debaucher la creature, qui est hors de la congnoissance de Dieu. Agnan, que veut dire en langue des Sauuages. Ainsi ces pauures Ameriques voyent souuent un mauvais esprit tantost en une forme, tantost en une autre, lequel ils nomment en leur langue Agnan[1], et les persecute bien souuent iour et nuit[2], non seulement l’ame, mais aussi le

  1. Tous les vieux voyageurs français de cette époque ont altéré ainsi le nom d’anhanga, le mauvais principe des Tupinambas. Dans le Tesoro de Ruys de Montoya, le mot angaï exprime l’esprit malin, ang l’âme, angata le scrupule de l’âme ou inquiétude, anguéra l’âme hors du corps ou fantôme.
  2. On peut rapprocher de ce passage le chapitre xvi de l’ouvrage de Léry.