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aucunesfois tout leur corps. Maniere de faire teinture de cest arbre Genipat. La maniere de ceste teinture est telle. Les pauures bestiaux n’ayâs autre moyen de tirer le suc de ce fruit, sont contraints le macher, comme s’ils le vouloyent aualler, puis le remettent et epreignent entre leurs mains, pour luy faire rendre son ius, ainsi que d’une esponge quelque liqueur, lequel suc ou ius est aussi cler qu’eau de roche. Puis quâd ils ont vouloir de faire quelque massacre, ou qu’ils se veulent visiter les uns les autres, et faire quelque autre solennité, ils se mouillent tout le corps[1] de ceste liqueur : et tant plus qu’elle se deseiche sur eux, et plus acquiert couleur viue. Ceste couleur est quasi indicible[2], entre noire et azurée, n’estant iamais en son vray naturel, iusques à ce qu’elle aye demeuré l’espace de deux iours sur le corps, et qu’elle soit aucunement seichée. Et s’en vont ainsi ces pauures gens autant contens, comme nous faisons de nostre veloux et satin, quand nous allons à la feste, ou autrement. Maniere des Sauuages à se colorer le corps. Les femmes se teignent de ceste couleur plus coustumierement que

  1. Léry. § viii : « Au surplus, nos Brésiliens se bigarrent souuent le corps de diuerses peintures et couleurs mais surtout ils se noircissent ordinairement si bien les cuisses et les iambes, du ius d’un certain fruict qu’ils nomment genipat, que vous iugeriez à les voir un peu de loin en ceste façon, qu’ils sont chaussez de chausses de prestre. »
  2. H. Staden. P. 310 : Quand on met le junipapeywa sur le corps, il paraît clair comme de l’eau : mais, au bout de quelques instants, il devient noir comme de l’encre. Cette couleur dure pourtant neuf jours et quelque peine qu’on se donne pour la laver, il est impossible de l’enlever plus tôt. » Cf. Gandavo. Santa Cruz. P. 115.