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vous demandez s’ils font cela par indigence, ou pour les chaleurs, ie respondray qu’ils pourroyent faire quelques chemises de cotton, aussi bien qu’ils sçauent faire licts pour coucher : ou bien pourroyent faire quelques robes de peaux de bestes sauuages et s’en vestir, ainsi que ceux de Canada : car ils ont abondance de bestes sauuages, et en prennent aisement : quant aux domestiques ils n’en nourrissent point. Mais ils ont ceste opinion d’estre plus alégres et dispos à tous exercices, que s’ils estoyent vestus. Et qui plus est, s’ils sont vestuz de quelque chemise legere, laquelle ils auront gagnée à grand trauail, quand ils se rencontrent auec leurs ennemis, ils la despouilleront incontinêt, auant que mettre la main aux armes, qui sont l’arc et la flesche, estimans que cela leur osteroit la dexterité, et alegreté au combat, mesmes qu’ils ne pourroyent aisément fuir, ou se mouuoir deuant leurs ennemis, voire qu’ils seroyent pris par tels vestements : parquoy se mettront nuds tant sont rudes et mal aduisez. Toutesfois ils sont fort desireux de robes, chemises, chapeaux, et autres acoustrements, et les estiment chers et precieux, iusques là qu’ils les laisseront plus tost gaster en leurs petites logettes que les vestir[1], pour crainte

  1. Curieux passage de Léry, § v. On avait fait cadeau de chemises à des Brésiliens ; « quand ce vint à s’asseoir en leurs barques, à fin de ne les gaster en les troussant iusque au nombril, et descouurant ce que plustost il falloit cacher, ils voulurent encores, en prenant congé de nous, que nous vissions leur derrière et leurs fesses. »