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fidèlement observé les règles de l’ordre ; car il lui arriva certain jour, en Espagne, une mésaventure, qu’il nous racontera lui-même[1] : « Quant à ces inquisiteurs de la foi, ils sont (côme semble) un peu trop speculatifs en premiere instance, sans ouyr le plus souuent les défenses d’aucun. Et ne dy ceci sans cause : attendu que estant à Seville, certains imposteurs, soubs pretexte que lon me trouua à dix heures du matin au lict, iour de Sainct Thomas, me menerent lié et bagué deuant un d’iceux, crians que i’estois Lutherien, et que ce iour ie n’auois esté à la messe, sans auoir esgard que i’estois arriué le soir auparauant en ladicte ville, fasché et rompu de la tempeste et ondes marines. Vray est que, comme estant prest à partir, pour estre conduit en la prison obscure, i’eusse deuant la compaignie tiré un agnus Dei, enchassé en or, et une petite croix de bois rouge, faite à la grecque que i’auois apportée de Hierusalem, cela fut occasion de ma delivrance, moyennant aussi ledit agnus Dei, que me print ce gentil inquisiteur, qui me commanda de vuider bientost la ville, sur peine d’estre attaint du crime, dôt lon m’accusoit. » Thevet ne fut donc jamais un théologien de profession. Lorsque le vice-amiral de Bretagne, Villegaignon, l’emmena avec lui au Brésil pour essayer d’y fonder une France

  1. Thevet. Cosmographie universelle. T. II. P. 491.