Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souuent de pluies, orages, et tonnerres, tellement que la nauigation de ce costé est dangereuse. Or le quatorzieme de septembre arriuasmes en ce païs de Guinée, sus le riuage de l’Ocean, mais asses avant en terre, habitée d’un peuple fort estrange, pour leur idolatrie et superstition tenebreuse etignorante. Avant que ceste contrée fust découuerte, et le peuple y habitant congnu, on estimoit qu’ils avoyent mesme religion et façon de viure, que les habitans de la haute Ethiopie ou de Senegua : mais il s’est trouué tout l’opposite. Habitâs de la Guinée iusques Esperance tous idolatres. Car tous ceux qui habitent depuis iceluy Senegua : iusques au cap de bonne esperance sont tous[1] idolatres sans cognoissance de Dieu, ne de sa loy. Et tant est aueuglé ce pauure peuple, que la première chose qui se rencontre au matin, soit oyseau, serpent, ou autre animal domestique ou sauuage, ils le prennent pour tout le iour, le portans auec soy à leurs negoces, comme un Dieu protecteur de leur entreprise : comme s’ils vont en pescherie auec leurs petites barquettes d’écorce de quelque boys, le mettrent à l’un des bouts bien enveloppé de quelques fueilles, ayans opinion que pour tout le iour leur amenera bonne encontre, soit en eau ou terre, et les preseruera de tout infortune. Ils croyent pour le moins en Dieu, allegans estre là sus immortel, mais incongneu, pour ce qu’il ne se donne à cognoistre à eux sensiblement. Laquelle erreur n’est en rien differente à celles des gentils du temps passé, qui adoroyent diuers Dieux, soubs images et

  1. Thevet. Cosmographie universelle. Liv. iii. § ii. Du royaume de Senega.