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bon papa qui le lui a dit. Ce sera fameux, Dob, quand vous allez vous trouver mon oncle. »

La voix défaillante du vieux Sedley, qui de la chambre voisine appelait Amélia, vint couper court à la plaisanterie.

Il était impossible d’en douter, une modification s’opérait dans l’esprit du vieil Osborne. Il demandait souvent à George des nouvelles de son oncle, et riait de la manière dont le petit bonhomme réussissait à contrefaire la voix de Jos et sa gloutonnerie à avaler sa soupe ; puis il finissait toujours par lui dire :

« Allons, monsieur, il n’est pas bien que les enfants se moquent ainsi de leurs parents. Miss Osborne, un de ces jours, en allant vous promener en voiture, vous mettrez ma carte chez M. Sedley, entendez-vous ? Jamais nous n’avons été mal ensemble. »

À la carte déposée, il fut répondu par une autre carte, et un beau jour Jos et le major furent invités ensemble chez le vieil Osborne. Ce fut le dîner à la fois le plus splendide et le plus ennuyeux qui ait été donné dans cette maison. Toute l’argenterie fut mise en branle, et la meilleure société fut conviée. M. Jos offrit le bras à miss Osborne pour passer dans la salle à manger, et, en retour, cette demoiselle se montra pleine d’amabilité avec lui. À peine adressa-t-elle la parole au major, placé entre elle et M. Osborne, et que sa timidité gêna fort pendant tout le dîner. Jos, de son accent le plus solennel, déclara qu’il n’avait jamais mangé d’aussi bonne soupe à la tortue, et demanda à M. Osborne où il s’était procuré son madère.

« C’est du vin qui provient de la vente de M. Sedley, dit tout bas le sommelier à son maître.

— Je l’ai depuis longtemps et il m’a coûté gros, » dit M. Osborne à son convive. Puis il glissa à l’oreille de son autre voisin : « Cela sort de la cave de son vieux bonhomme de père. »

À plusieurs reprises, M. Osborne questionna le major sur mistress George Osborne, sujet sur lequel l’éloquence du major ne se trouvait jamais à court. Dobbin parla à M. Osborne des souffrances de cette pauvre femme, de son attachement sans borne à son mari dont la mémoire était encore pour elle l’objet d’un culte sacré, de la tendresse et de la piété avec laquelle elle avait assisté ses parents, enfin de la manière touchante dont elle suivait en tout les inspirations de son cœur.