Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Emmy se mettait à rire et pensait comme son petit garçon, que Dobbin n’était point une poule mouillée.

Ainsi s’établissait entre George et le major une affection réciproque et beaucoup plus grande, il faut l’avouer, que celle qui existait entre l’oncle et le neveu. George avait attrapé une certaine manière de gonfler ses joues, de mettre les mains dans les poches de sa veste et de répéter les expressions et les allures favorites de Jos d’une manière si exacte, qu’on éclatait de rire rien qu’à le voir. Les domestiques avaient toutes les peines du monde à se contenir lorsque le petit garnement, demandant quelque chose qui n’était point sur la table, contrefaisait son oncle à s’y méprendre. Dobbin était tout prêt lui-même à étouffer en voyant la pantomime de l’enfant ; et George en aurait fait autant à la barbe et au nez de son oncle sans les réprimandes de Dobbin et les supplications d’Amélia.

Le digne fonctionnaire civil s’était fort bien aperçu que l’enfant le tournait en dérision, aussi éprouvait-il une grande gêne en sa présence, et s’efforçait-il de se rendre plus imposant par la solennité de sa tournure toutes les fois qu’il se trouvait en la présence de maître George. Mais s’il pouvait être prévenu d’avance de la venue du petit bonhomme à Gillespie-Street, M. Jos ne manquait pas alors d’avoir une partie arrangée à son club. Peut-être cette absence n’était-elle pas très-regrettée. Ces jours-là seulement, M. Sedley consentait à descendre de sa retraite et à se mêler à une de ces bonnes et intimes réunions de famille dont le major se trouvait presque toujours faire partie. D’ailleurs n’était-il pas, à plus d’un titre, l’ami de la maison, l’ami de tous les membres de la famille.

« Il aurait fait aussi bien de rester à Madras pour le temps qu’il passe avec nous, disait miss Anna en parlant de son frère.

— Mais, mon Dieu, miss Anna ! le major ne songe point à vous épouser ! »

Jos Sedley menait une existence noblement oisive, ainsi qu’il convenait à une personne de sa haute importance. Sa première démarche avait été pour se faire recevoir au Club-Oriental où il passait toutes ses matinées en compagnie de ses amis des Indes, où il dînait, où il prenait des convives qu’il amenait chez lui.

Il était convenu qu’Amélia ferait les honneurs à ces mes-