Page:Thackeray - La Foire aux Vanites 2.djvu/295

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivi à distance du cocher Martin. Le vieil Osborne, qui descendait moins souvent dans la Cité et laissait à ses plus jeunes associés la direction des affaires, se faisait souvent conduire avec sa fille dans les promenades à la mode ; tandis que le petit George, bien campé sur ses étriers et avec un air de gentleman, faisait caracoler son cheval autour de la voiture, le grand-père, le montrant à miss Osborne, lui disait :

« Voyez un peu, je vous prie. »

Puis il se mettait à rire, et sa face devenait toute rouge de contentement, et il ne pouvait s’empêcher de passer la main par la portière pour applaudir aux évolutions du petit bonhomme. Là aussi, chaque jour, venait se promener son autre tante, mistress Frédérick Bullock, dans une voiture aux panneaux et aux harnais armoriés. Aux portières on pouvait apercevoir trois petits Bullock à la figure de papier mâché et presque ensevelis sous les plumes et les rubans, tandis qu’au fond de la voiture, leur mère lançait des regards de haine à leur jeune cousin, qui passait à cheval auprès d’eux le chapeau sur l’oreille, et aussi fier qu’un membre du parlement.

Bien qu’il eût à peine ses onze ans, maître George portait des bottes à revers ni plus ni moins qu’un homme véritable. Il avait des éperons dorés, un fouet à pomme d’or, une épingle de diamant sur sa cravate longue et des gants de chevreau de la meilleure fabrique. Sa mère lui avait fait cadeau de deux cravates, et lui avait ourlé et marqué de charmantes petites chemises ; mais quand monsieur le fashionable vint revoir la pauvre veuve, elles étaient remplacées par du linge beaucoup plus fin et beaucoup plus beau. George portait des boutons en brillants à ses devants de chemise ; et quant au modeste présent de sa mère, on s’en était débarrassé ; miss Osborne les avait données, je crois, au petit garçon du cocher. Amélia s’efforça de se persuader qu’elle était bien aise de cette substitution, et, en fait, elle était heureuse et ravie de voir à son fils si bonne mine et si bonne tournure.

Elle possédait une petite silhouette de lui qu’elle avait payée un shilling ; elle l’avait suspendue à son chevet à côté d’un autre portrait que nous connaissons déjà. Un jour, le petit bonhomme vint lui faire sa visite accoutumée faisant retentir du galop de son cheval toute la rue de Brompton, et attirant tout le monde aux fenêtres pour faire admirer sa bonne grâce et son