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est affectée de telle sorte qu’elle semble exercer ailleurs son activité, apprenant ainsi à s’absenter un jour en dissimulant déjà sa présence ; toutefois elle rêve pendant cet intervalle sans se reposer, sans se livrer à l’inaction, sans asservir au joug du sommeil sa nature immortelle. Elle prouve qu’elle est toujours mobile ; sur terre, sur mer, elle voyage, commerce, s’agite, travaille, joue, se plaint, se réjouit, poursuit ce qui est licite et ce qui ne l’est pas, montre que, même sans le corps, elle peut beaucoup, parce qu’elle est pourvue de ses organes, mais éprouve néanmoins la nécessité d’imprimer de nouveau le mouvement au corps. Ainsi le corps, rendu à ses fonctions lorsqu’il s’éveille, te confirme la résurrection des morts. Telle sera la raison naturelle et la nature raisonnable du sommeil. Jusque par l’image de la mort, tu es initié à la foi, tu nourris l’espérance, tu apprends à mourir et à vivre, tu apprends à veiller pendant que tu dors.

XLIV. Au reste, on dit d’Hermotime qu’il était privé d’âme pendant le sommeil, parce qu’elle s’échappait par intervalle du corps de cet homme, qui restait vide. Sa femme révéla ce secret. Ses ennemis, l’ayant trouvé endormi, le brûlèrent comme mort. Son âme, rentrée trop tard, s’imputa, j’imagine, cet homicide. Les habitants de Clazomène consolèrent Hermotime par un temple ; aucune femme n’y paraît, à cause de la honte de son épouse. Pourquoi cette fable ? De peur que la crédulité du vulgaire, déjà enclin à s’imaginer que le sommeil n’est que la retraite de l’âme, ne soit fortifiée par cet exemple d’Hermotime. Il s’agissait de quelque sommeil plus pesant, comme qui dirait un incube, ou bien de quelque affection, que Soranus[1] oppose à la précédente, excluant l’incube, ou tout autre maladie semblable, d’où est venue la fable qu’Epiménide avait dormi près de cinquante ans. Néron, d’après Suétone, et Thrasimède, d’après Théopompe, n’ont jamais

  1. Soranus niait l’incube et admettait le succube.