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pas naturel dans la léthargie, ils attestent avec nous que le sommeil est naturel lorsqu’il est dans ses conditions. Toute propriété naturelle, en effet, s’anéantit par défaut ou par excès, tandis qu’elle se conserve dans les limites de sa mesure. Ainsi une chose sera naturelle dans son essence, qui cessera de l’être si elle s’affaiblit ou s’exagère. Qu’arrivera-t-il, si vous retranchez l’aliment et la boisson des lois de la nature ? car la préparation au sommeil est là principalement. Il est certain que l’homme en fut comme rassasié dès le commencement de sa nature. Si tu cherches à t’instruire auprès de Dieu, tu verras Adam, principe du genre humain, goûter le sommeil avant de soupirer après le repos, s’endormir avant d’avoir vaqué au travail, que dis-je ? avant d’avoir mangé, avant d’avoir parlé, afin de nous apprendre que le sommeil naturel est une faculté qui domine toutes les autres facultés naturelles.

De là vient que nous regardons le sommeil, même alors, comme une image de la mort. Si, en effet, Adam figurait le Christ, le sommeil d’Adam était la mort du Christ dormant un jour dans la mort, afin que l’Église, véritable mère des vivants, fût figurée par la blessure qui ouvrit son côté. Voilà pourquoi un sommeil si silutaire, si rationnel, est pris déjà pour modèle de la mort commune au genre humain. Dieu, qui d’ailleurs n’a rien établi dans ses dispensations qui n’ait sa figure, a voulu, d’après le paradigme de Platon, ébaucher tous les jours plus complètement sous nos yeux le dessein de l’origine et de la fin humaines, tendant ainsi la main à notre foi, afin de lui venir mieux en aide par des images et des paraboles, dans les discours comme dans les choses. Il expose donc à tes regards le corps brisé par la puissance bienfaisante du sommeil, abattu par l’agréable nécessité du repos, dans un état d’immobilité tel qu’il fut gisant avant de vivre, tel qu’il sera gisant après la mort, témoignage de sa formation et de sa sépulture, et attendant l’âme, comme s’il ne l’avait pas encore, ou qu’elle lui fût déjà retirée. Mais l’âme