Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/8

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qui cherche bien plus à braver l’affront qu’à s’en consoler ? En effet, la sentence à peine prononcée, à son épouse qui accourt au-devant de lui et s’écrie avec un emportement de femme : « Socrate, tu es injustement condamné, » il répond avec orgueil : « Voulais-tu donc que je le fusse justement ? » Ainsi, ne nous étonnons pas que le philosophe, désirant de briser dans sa prison les palmes honteuses d’Anytus et de Mélitus, invoque, en présence de la mort, l’immortalité de son âme en vertu d’une présomption nécessaire et pour échapper à l’injustice. Toute cette sagesse de Socrate, dans ce moment, avait sa source dans une affectation de constance réfléchie, mais non dans la confiance d’une vérité qu’il eût découverte. En effet, qui a jamais découvert la vérité à moins que Dieu ne la lui enseignât ? A qui Dieu s’est-il révélé autrement que par son Christ ? A qui le Christ s’est-il fait connaître autrement que par l’Esprit saint ? A qui l’Esprit saint s’est-il communiqué autrement que par le sacrement de la foi ? Socrate, assurément, était dirigé par un tout autre esprit. En effet, dès son enfance, dit-on, un démon lui fut attaché, perfide instituteur, à vrai dire, quoique, chez les poètes et les philosophes, les démons tiennent le second rang après les dieux, et même soient inscrits parmi eux. Les enseignements de la puissance chrétienne n’étaient pas encore venus, pour convaincre le monde que cette force si pernicieuse, qui n’est jamais bonne, est le premier artisan de l’antique erreur et l’ennemie de toute vérité. Que si Socrate fut déclaré le plus sage des hommes par l’oracle du démon pythien, qui dans cette circonstance travaillait pour son associé, combien doit être plus raisonnable et mieux assise la sagesse de la religion chrétienne, qui d’un souffle renverse toute la puissance des démons ! C’est cette sagesse, inspirée du Ciel, qui nie avec une sainte liberté les dieux du siècle, qui ne s’abaisse point à sacrifier un coq à Esculape, qui, au lieu d’introduire de nouveaux démons, chasse les anciens ; au lieu de corrompre la jeunesse,