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de chaque nature. En effet, l’ame humaine a reçu d’autres demeures, d’autres aliments, d’autres facultés, d’autres sens, d’autres affections, d’autres accouplements, d’autres procréations. J’en dis autant de son caractère, puis de ses œuvres, de ses joies, de ses dégoûts, de ses vices, de ses désirs, de ses voluptés, de ses maladies, de ses remèdes ; elle a enfin sa vie spéciale et sa manière d’en sortir. Comment donc cette âme qui s’attachait à la terre, qui tremblait devant toute élévation ou toute profondeur, que fatiguaient les degrés d’une échelle, que suffoquaient les marches d’une piscine, affrontera-t-elle par la suite les hautes régions de l’air dans le corps d’un aigle, ou bondira-t-elle sur la mer dans le corps d’une anguille ? Comment une âme nourrie d’aliments choisis, délicats, exquis, ruminera-t-elle, je ne dirai pas la paille, mais les épines, les feuilles amères et sauvages, les bêtes qui vivent dans le fumier, et jusqu’au venin des reptiles, si elle passe dans le corps d’une chèvre ou d’une caille ? Que dis-je, comment vivra-t-elle de cadavres, et de cadavres humains, quand, ours et lion, elle se souviendra d’elle-même ? Même inconvenance partout ailleurs, pour ne pas nous arrêter ici sur chaque point. Quelle que soit la dimension, quelle que soit la mesure de l’âme, que fera-t-elle dans des animaux plus grands ou plus petits ? Car il faut nécessairement que tout le corps soit rempli par l’âme, de même que l’âme recouverte tout entière par le corps. Comment donc l’âme d’un homme remplira-t-elle un éléphant ? Comment s’introduira-t-elle dans un moucheron ? Si elle s’étend ou se resserre jusque là, elle ne peut que péricliter. Et voilà pourquoi j’ajoute : Si elle n’est en rien susceptible de passer dans les animaux qui ne lui ressemblent ni par les dimensions du corps ni par les autres lois de leur nature, se changera-t-elle d’après les propriétés des genres, pour adopter une vie contraire à la vie humaine, devenue elle-même, par cette transformation, contraire à l’âme humaine ? En effet, si elle subit cette transformation en perdant