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même que le Ciel à Saturne. Car Saturne est né du Ciel et de la Terre. Toutefois, je ne veux pas remonter plus haut. Il paraît que ces derniers ont vécu longtemps célibataires et sans enfants avant d’être époux et pères. Il fallait une longue et vigoureuse adolescence pour préparer une maturité d’une fécondité si merveilleuse. Enfin, après que la voix du Ciel eut mué, et que le sein de la Terre se fut arrondi, ils se marièrent. Le Ciel descendit-il vers sa fiancée ? La Terre monta-t-elle vers son époux ? Je l’ignore. Toujours est-il que la Terre conçut des œuvres du Ciel ; elle enfanta Athos. Athos enfanta Saturne. Prodige extraordinaire ! Auquel de son père ou de sa mère ressemblait-il ? Je n’en sais rien encore. Mais il enfanta Saturne, le fait est certain. Saturne fut donc leur fils aîné ; ils ne lui donnèrent ensuite qu’une sœur nommée Ops ; après cela, stérilité complète. Il faut encore que vous sachiez que Saturne profita du sommeil du Ciel, son père, pour le mutiler indignement. Car auparavant le Ciel était du masculin. D’ailleurs, comment eût-il été père, s’il n’eût été d’abord masculin ? Mais avec quelle arme le mutila-t-il ? Avec une faulx, répondez-vous. Fort bien. Mais Vulcain n’avait pas encore forgé le fer. La Terre, ainsi veuve, différa toutefois de se remarier, quoique jeune encore… Cependant elle souffre les embrassements de l’Océan ; il sent un peu la saumure, mais que lui importe ? . . . . . . On s’accoutume à tout.

Saturne fut donc le fils unique du Ciel et de la Terre. Il n’eut pas plutôt atteint la puberté, qu’il épousa sa sœur Ops. Dans ce temps-là, il n’y avait pas plus de lois pour châtier l’inceste que l’homicide. Chaque enfant mâle qui lui naissait, il le dévorait sur-le-champ, plus sage en cela que les loups, s’il leur exposait ses nouveau-nés ; car il craignait que l’un d’eux ne se souvînt un jour de la faulx paternelle. Jupiter vient au monde ; on le soustrait à l’avidité de son père qui avale une pierre à la place de l’enfant. Moyennant cet ingénieux stratagème, le fils qui n’avait pas été digéré, put